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pendance, qui s’étaient signalés en s’opposant aux emprunts et aux souscriptions volontaires destinés à secourir la métropole, qui avaient même signé la demande d’une junte mexicaine en 1808, ou encore sur des prêtres qui s’étaient fait remarquer par leur sympathie affichée pour l’indépendance.

Le régime constitutionnel n’avait pas eu seulement pour effet de concentrer entre les mains des Mexicains tout ce qu’il y avait de fonctions électives en vertu de la constitution même ; il avait aussi donné beaucoup de facultés aux amis de l’indépendance par les obstacles qu’il opposait aux exécutions sommaires et aux arrestations préventives. Il les avait particulièrement aidés par la liberté de la presse, qui s’était révélée par un déluge d’écrits. On avait dévoilé tous les abus de la domination espagnole, en les amplifiant et en les grossissant de griefs imaginaires. Quand le vice-roi, d’accord avec l’audiencia, prit sur lui de suspendre la liberté de la presse, il était trop tard; l’éruption du volcan n’avait duré que soixante-six jours, mais elle laissait des traces ineffaçables. La domination de l’Espagne était jugée. Ce n’était pas un des moindres résultats du régime constitutionnel d’avoir aboli l’inquisition, l’effroi des personnes qui se permettaient de penser avec quelque liberté sur les matières religieuses ou politiques.

Peu après la rentrée de Ferdinand VII en Espagne, la constitution fut abolie au Mexique comme dans tout le reste de la monarchie. Le vice-roi fut armé de nouveau de toutes les ressources du gouvernement absolu, y compris l’inquisition, qu’on s’empressa de rétablir. L’Espagne, débarrassée de la guerre, envoya des troupes avec lesquelles elle put occuper solidement les villes principales, poursuivre et disperser les bandes des insurgés, et enfin une amnistie générale fut proclamée. Presque tous les indépendans en profitèrent, sans que leur cœur renonçât à ce qui était devenu la passion de leur vie. Un observateur superficiel pouvait penser que le pays était pacifié, que la restauration de l’autorité métropolitaine était définitivement accomplie. Le vice-roi par lequel Ferdinand VII avait remplacé Calleja, en septembre 1816, don Juan Ruiz de Apodaca, se montrait modéré et bienveillant. Ce fut lui qui reçut la soumission d’un grand nombre de chefs. Dans la joie que lui causaient ces succès, il eut la simplicité ou la forfanterie d’écrire à Madrid que la révolution était définitivement vaincue[1]. Peut-être aussi n’é-

  1. Il avait cependant quelques raisons personnelles de savoir qu’il existait encore des guerrillas mexicaines remplies d’audace. Après son débarquement, quand il se rendait de la Vera-Cruz à Mexico, escorté par des troupes assez nombreuses qu’il avait amenées avec lui de La Havane, il avait été attaqué à Ojo de Agua, entre Perote et la Puebla, et si le commandant des insurgés, Teran, eût mieux pris ses dispositions, il aurait pu être enlevé.