Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/521

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres possessions espagnoles du continent américain. Il l’avait même été moins mal. Moins éloigné de l’atteinte de la Péninsule, offrant une population indigène plus nombreuse, plus avancée au moment de la conquête, et d’une plus grande aptitude pour les arts utiles; pour le moins égal aux plus favorisées en avantages naturels, mieux partagé même que le Pérou sous le rapport de la richesse minérale, plus productif que tout le reste ensemble pour le trésor de la mère-patrie, où il versait tous les ans une somme considérable, le Mexique avait été, de la part du conseil des Indes et du cabinet espagnol, l’objet de plus de sollicitude. Les abus y avaient été réprimés d’une main moins indolente. Choisis avec plus de discernement, les fonctionnaires chargés de le gouverner, sous le titre imposant de vice-roi, s’étaient moins absorbés dans le souci de se créer une fortune personnelle, en négligeant les intérêts du royaume[1] confié à leur patriotisme. Plusieurs avaient été des hommes éminens par leur intelligence et pleins de sentimens généreux qu’ils avaient mis en œuvre. Le comte de Revillagigedo et plusieurs autres auraient été cités partout comme d’habiles administrateurs, des amis de l’humanité, des promoteurs de la civilisation.

Les Indiens, c’est le nom sous lequel on désigne la population indigène par suite de l’erreur de Christophe Colomb, qui croyait avoir abordé dans l’Inde, et non pas avoir découvert un nouveau continent, les Indiens avaient été protégés au Mexique plus efficacement que dans les autres colonies. La grande reine Isabelle, qui toute sa vie avait éprouvé une vive compassion pour eux, les avait fortement recommandés au sentiment chrétien de ses successeurs, et c’est une justice à rendre à la cour d’Espagne, qu’elle ne s’était pas montrée indigne de ce touchant héritage, particulièrement dans le Mexique. Elle avait combattu les excès des oppresseurs des Indiens, autant que c’était possible de la part d’un gouvernement peu éclairé sur les conditions mêmes de la civilisation, qui résidait à dix-huit cents lieues de là, et dans un système politique qui excluait toute garantie représentative et toute publicité. L’homme de génie qui avait renversé l’empire aztèque de Montezuma et de Guatimozin, Fernand Cortez, avait témoigné de la façon la plus positive, par son testament, de la nécessité qu’il sentait de se montrer équitable envers cette population vaincue et subjuguée. En cela instrumens le plus souvent fidèles de la pensée royale, le clergé et les intendans, fonctionnaires civils que dans la dernière moitié du xviii siècle on avait mis à la tête des provinces composant la vice--

  1. C’était le titre donné à la colonie dans tous les actes officiels.