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de poétique et religieuse passion. Depuis qu’il avait embrassé la profession des armes, la littérature n’avait plus été pour lui qu’une forme du culte glorieux auquel il s’était dévoué. Aussi toute son existence guerrière est-elle connue de nos lecteurs : batailles civiles où il débuta comme garde mobile, guerres d’Afrique, de Crimée, d’Italie, toutes les mâles émotions qu’il était allé chercher partout où notre drapeau était engagé, il les a racontées au public avec une candeur chevaleresque. Quant à nous, nous ne pouvons parler que de la mort, qu’il n’a pas trouvée où il était allé la chercher, qui vient avec une si triste violence de nous l’enlever à l’âge de quarante et un ans.


E. FORCADE.


ESSAIS ET NOTICES

Un journal français a publié il y a peu de jours, sous la forme d’une lettre au réducteur de la Revue des Deux Mondes, un mémorandum daté de Saint-Pétersbourg et signé de M. Alexandre Jomini, répondant à un travail qui a paru dans la Revue du 15 janvier avec ce titre : la Russie sous l’empereur Alexandre II. Nous ne sommes tentés ni de nous étonner ni de nous plaindre que ce mémorandum, qui est une défense du gouvernement russe, ait trouvé place dans le Constitutionnel : il n’y a là au contraire rien que de naturel et de simple ; mais, puisqu’on fait intervenir un « refus d’hospitalité » que ce travail aurait essuyé ici, nous ne voyons nul inconvénient et nous n’éprouvons surtout nul embarras à ajouter de notre côté quelques mots d’apostille. Effectivement cet écrit avait été remis à la Revue par un homme distingué de la diplomatie russe. L’absence de signature d’abord ne permettait point de l’accueillir en présence de la législation sur la presse, et la révélation postérieure de la signature de M. Jomini ne nous a point fait changer d’avis ; la Revue a persisté dans son refus, et voici pourquoi.

On nous accordera bien d’abord que la publication des travaux sur les états étrangers ne peut ouvrir un droit indéfini de réponse à tous ceux qui peuvent se croire appelés à intervenir pour leur gouvernement. Pour que ces réclamations aient des titres à être admises, il faut, ou que les auteurs aient été mis personnellement en cause, ou que leurs travaux offrent quelque intérêt de nouveauté et d’information. Était-ce le cas cette fois ? L’auteur de l’écrit, qui a du reste trouvé ailleurs qu’ici l’hospitalité qu’il cherchait, nous permettra de lui dire que dans son plaidoyer il y a plus de malaise et d’ennui déguisés sous des généralités que de faits précis propres a éclaircir les questions. Si ce travail se présentait comme une étude nouvelle de l’état de la Russie ou même comme une apologie en quelque sorte officielle du gouvernement du tsar, il était trop visiblement insuffisant ; s’il ne visait qu’à être simplement une rectification, il ne rectifiait rien. Non-seulement il ne rectifie rien, il confirme au contraire implicitement la