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vu sous le régime des deux caïmacamies. Si au contraire l’autorité est concentrée, il est dans sa nature, comme dans son intérêt, de consacrer tous ses efforts à faire vivre les populations en bonne intelligence, et, si elle sait être forte et respectée, elle y parvient. Ces deux combinaisons ne sont pas des théories ; elles ont été mises à l’épreuve, et l’expérience a prononcé. Le pouvoir unique et chrétien avait fait régner la paix et le bien-être là où les deux caïmacamies ont depuis amené les plus sanglans désordres. Seul aussi, ce pouvoir nous paraît en état de réparer le mal qu’elles n’ont pas empêché.

« La position des chrétiens dans le Liban justifie entièrement l’avantage que nous demandons pour eux. En les envisageant, abstraction faite des communions, leur nombre dépasse deux cent mille âmes, tandis que celui des Druses est seulement de vingt-huit mille, et que les musulmans, réunis aux Métualis, restent au-dessous de dix-sept mille. Il est équitable de tenir compte de cette différence, et cette considération nous paraît rentrer dans la pensée des cabinets comme dans la situation même. Ce sont les chrétiens en effet qu’il s’agit de mettre à l’abri de nouveaux malheurs ; c’est en leur faveur que les puissances sont intervenues, et la nécessité de donner aux chrétiens une force défensive plus grande n’est que trop attestée par la passivité avec laquelle, malgré la supériorité du nombre, ils ont subi tous les outrages des Druses, des Métualis et des musulmans. »

Nous reviendrons plus tard sur cette nécessité si bien signalée par le gouvernement français de donner aux chrétiens une force défensive. Il nous suffit en ce moment de montrer que la France a voulu surtout éviter dans le Liban l’esprit de division et de morcellement. » En coopérant de tous nos efforts à la pacification du Liban, disait le 1er juillet 1861 M. Thouvenel dans la circulaire adressée aux agens diplomatiques français pour leur faire connaître l’acte constitutif de l’administration du Liban, nous avons été guidés uniquement par une pensée d’humanité ; nous n’avons eu d’autre objet que de contribuer, autant qu’il dépendait de nous, à prévenir le retour des événemens qui, l’an dernier, ont si profondément ému l’Europe. Convaincus que ces événemens n’étaient pas seulement l’effet des haines de race ou de religion et qu’il fallait les attribuer aussi à la constitution du pouvoir tel qu’il a été organisé en 1845, nous avons jugé qu’il importait de revenir à un système plus en harmonie avec les mœurs et les traditions du pays. Nous avons donc combattu toute division administrative en plusieurs caïmacamies, et nous avons été assez heureux pour faire partager aux puissances notre opinion sur ce point, bien que les commissaires, à l’exception de celui de l’empereur, eussent adopté d’abord un projet