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des frégates avec plus de deux cents navires marchands de toute grandeur. Ce port est embelli avec toute la décoration possible et défendu par des batteries et par un fort qui le rendent pour ainsi dire inattaquable. Il est en activité entière, et les droits du roi, plus que décuplés en 1788, ont déjà prouvé combien il sert à l’accroissement du commerce du Roussillon. Il fallait peupler ce lieu : le roi acheta, sur ma proposition, des terrains autour du port pour bâtir des maisons, et ces terrains furent donnés à ceux qui se soumettaient à les construire. »

L’assemblée provinciale n’eut à s’occuper de Port-Vendres que pour demander la continuation des travaux, car l’intendant forçait un peu le tableau, et si tout était très bien commencé, rien n’était précisément fini. Au milieu des quais nouvellement construits s’élevait un obélisque dédié au roi, témoignage à la fois de reconnaissance et d’espérance. Le maréchal de Mailly jouissait toujours du même crédit auprès de Louis XVI, qu’il défendit de sa personne au 10 août malgré ses quatre-vingt-quatre ans. Pendant la révolution, tout fut abandonné ; l’obélisque reçut en 1793 de barbares outrages, le maréchal de Mailly mourut sur l’échafaud. Il a fallu attendre jusqu’à la loi de 1845, c’est-à-dire près de soixante ans, pour reprendre cette œuvre utile, qui n’est pas encore arrivée à son terme, et que doit prochainement compléter l’ouverture d’un chemin de fer. La situation de Port-Vendres au milieu d’une côte inhospitalière en fait un lieu de refuge précieux, et son importance s’est fort accrue depuis la conquête de l’Afrique.

Le Roussillon n’acquittait pas de tailles, et les impôts y étaient fort modérés, puisqu’on n’y payait en tout, d’après Necker, que 13 livres 15 sols par tête. La prospérité s’y développait rapidement. De grandes plantations de vignes, de nombreux défrichemens datent de cette époque. La province était déjà abonnée pour les vingtièmes ; l’assemblée consentit en principe à l’augmentation demandée, mais en réduisant son offre à la modique somme de 20,000 livres, « non comme une preuve de ses forces réelles, mais comme un gage de sa fidélité et de son obéissance. » Quand il fut question d’attribuer au clergé sa part d’impôts, l’évêque d’Elne, président, dit qu’une assemblée générale du clergé devant se réunir au mois de mars suivant pour délibérer sur ce sujet, il demandait un sursis jusque-là, se déclarant d’avance prêt à se soumettre à la décision du roi, ce qui fut accepté sans discussion.

La société royale d’agriculture de la province ayant tenu pendant la session une séance publique, l’assemblée tout entière voulut y assister. Elle entendit en outre un rapport du bureau du bien public sur les besoins de l’agriculture locale. Le bureau y insistait sur la