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disait le rapport de la commission intermédiaire, les assemblées peuvent fixer leurs yeux sur des routes perfectionnées ; pour nous, c’est sur des ruines que nous devons arrêter votre attention. Les montagnes qui nous ceignent donnent naissance à une infinité de torrens qui joignent à un volume d’eau très considérable l’impétuosité d’une chute presque perpendiculaire : de là la nécessité de multiplier sur les routes les ouvrages d’art, de là la stabilité si précaire de ceux qui existent. Les chaussées elles-mêmes, entamées par des ravins ou percées par des rivières, sont plutôt des monumens de nos désastres que des témoins des dépenses employées à leur confection. »

Le principal de ces travaux était la digue Orry, ainsi nommée du nom de l’intendant qui l’avait fait construire ; élevée pour contenir les eaux de la Tet, elle défendait la route du Languedoc en Espagne par Perpignan, la principale artère de la province. Cette digue avait été rompue en 1777, et il devenait nécessaire, pour la fortifier, d’en doubler la longueur. De tous côtés se présentaient des ponts à construire ou à relever, des routes à réparer ou à ouvrir, et l’assemblée ne pouvait disposer que d’un fonds annuel de 218,000 livres, y compris 39,000 livres pour le rachat des corvées et 75,000 livres de secours extraordinaires donnés par le roi. On calculait qu’avec ces ressources les ouvrages les plus urgens pouvaient être faits dans un délai de vingt ans. L’assemblée exagéra, suivant l’usage, ses besoins et sa pauvreté, pour obtenir autant que possible de nouveaux secours ; elle demanda en outre au maréchal de Mailly, vu la rareté des bras, 300 hommes choisis dans les régimens sous ses ordres pour être employés aux travaux publics.

Le principal intérêt du Roussillon était alors, comme aujourd’hui, la grande entreprise de Port-Vendres. Vauban avait le premier appelé l’attention sur ce port, isolé à l’extrémité du territoire ; mais ses plans n’avaient reçu aucune exécution jusqu’à Louis XVI. Le maréchal de Mailly n’eut pas de peine à exciter l’intérêt du jeune roi, dont la sollicitude pour la marine était bien connue, en faveur de cette crique déserte où n’abordaient que quelques bateaux pêcheurs, mais qui pouvait devenir à peu de frais un port de commerce et de guerre important. Il fut aidé par l’intendant, M. de Saint-Sauveur, qui a raconté lui-même en ces termes, dans un mémoire écrit en 1789, les résultats de leurs efforts communs : « Les travaux de Port-Vendres ont occupé toute l’attention de M. le maréchal de Mailly, à qui on doit la création de ce port, établi en quinze années avec moins de 1,600,000 l. de dépenses, dont les fonds de la marine et de la guerre ont fourni plus de la moitié. L’ouvrage est à sa fin, et la province a un port de la plus grande sûreté, capable de recevoir