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accablés sous le poids des impôts, ne se méprendront pas sur les vrais motifs qui attirent au parlement sa disgrâce ; qu’il n’aurait pas eu la douleur de voir son zèle noirci aux yeux de la nation, si un administrateur infidèle (M. de Calonne) n’eût épuisé le trésor de l’état, et si, pour opérer la ruine des peuples, il ne se fût efforcé d’enlever au parlement la confiance publique et l’estime du seigneur roi ; que, dans l’état déplorable où se trouvent les finances, tous les projets des ministres, même ceux qui paraissent les plus avantageux aux peuples, semblent n’avoir pour but que la fiscalité et l’augmentation de l’impôt ; qu’à l’aspect des malheurs qui menacent la propriété, malheurs que l’assemblée des états-généraux peut seule prévenir, chaque citoyen porte des regards inquiets sur le parlement, la cour, ne voyant dans l’arrêt du conseil qui casse l’arrêt du parlement aucun caractère légal, puisqu’il n’est pas revêtu de lettres patentes, a persisté et persiste, sous le bon plaisir du roi, dans son arrêt du 8 du présent mois. »

Cette fois la longanimité de Louis XVI fut poussée à bout : il fit délivrer des lettres patentes portant translation du parlement à Libourne ; mais la cour, qui avait refusé de reconnaître l’arrêt du conseil, sous prétexte qu’il n’était pas revêtu de lettres patentes, ne respecta pas davantage sous cette nouvelle forme l’autorité du roi, et, tout en se rendant à Libourne, elle protesta. Il fallut que le comte de Brienne, commandant de la province sous le maréchal de Richelieu absent, se rendit à Libourne pour faire enregistrer militairement les lettres patentes. Ce coup d’autorité souleva une vive irritation, l’opinion locale prit parti pour le parlement. Les jurats de Bordeaux adressèrent les premiers une plainte au roi, la cour des aides vint ensuite, le parlement lui-même renouvela ses doléances le 31 octobre. Des événemens qui auraient dû le calmer s’étaient pourtant accomplis dans l’intervalle ; les assemblées provinciales se réunissaient dans toute la France, et les membres les plus considérables des autres cours avaient généralement consenti à en faire partie. Le roi venait de révoquer ses deux édits pour l’établissement d’une subvention territoriale et de l’impôt du timbre. Il ne s’agissait donc plus d’enregistrer de nouveaux impôts ; tout se bornait à l’augmentation des vingtièmes demandée aux assemblées provinciales et qu’elles pouvaient refuser ; le ministère avait d’ailleurs annoncé l’intention d’adresser aux parlemens les règlemens des assemblées provinciales, quand ils seraient devenus définitifs. Ces concessions ne firent que rendre le parlement de Bordeaux plus arrogant dans ses exigences.

Ce même parlement avait demandé dans d’autres temps l’institution des assemblées provinciales. Voici ce qu’on lisait dans ses