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La Tournelle, et cette circonstance semblait annoncer dans le gouvernement l’intention de choisir désormais des intendans attachés par leurs intérêts aux provinces qu’ils administraient.

Quoiqu’il ne soit rien resté de M. de Seguiran, tous les souvenirs de cette époque attestent son esprit supérieur. Quand le premier évêque de Nevers nommé sous la restauration prêta serment entre les mains de Louis XVIII, le roi lui dit : « Vous allez succéder à un homme bien remarquable. Si nous avions suivi les avis de M. de Seguiran, nous aurions évité les horreurs de la révolution. » Malheureusement, au moment où il présidait l’assemblée provinciale, il était bien près de sa fin : il mourut le 3 août 1789, à l’âge de cinquante ans, d’une fluxion de poitrine, en allant présider les élections aux états-généraux. Il fut remplacé par l’évêque de Sisteron, M. de Suffren-Saint-Tropez, frère du célèbre bailli de Suffren et auteur du canal qui fertilise encore les environs de Sisteron.

L’assemblée nomma au scrutin les douze membres qui devaient la compléter, ainsi que la commission intermédiaire et les procureurs-syndics. Elle divisa la province, pour l’organisation des assemblées secondaires, en six arrondissemens, dont les chefs-lieux furent Nevers, Château-Chinon, Saint-Pierre-le-Moutier, Decize, Moulins-Engilbert et Saint-Saulge, après quoi elle se sépara en s’ajournant au mois de novembre ; mais cette seconde réunion, la seule qui dût être complète, n’a jamais eu lieu, tout ayant été mis bientôt en suspens par les préliminaires des états-généraux. Les opérations de la session préparatoire ne furent cependant pas tout à fait inutiles. La commission intermédiaire se réunit régulièrement jusqu’au 24 juillet 1790, sous la présidence de l’abbé de Damas, et dans le désordre qui suivit les premiers votes de l’assemblée constituante, elle fut la seule autorité reconnue dans la province.

Avant tout, l’assemblée avait voté des remerciemens au duc de Nivernais, à qui elle devait son existence ; elle ne pouvait faire moins pour reconnaître un pareil service. Le duché de Nevers n’appartenait plus depuis longtemps à la maison de Gonzague ; l’héritier de cette maison l’avait vendu au cardinal Mazarin, qui le laissa à son neveu, Julien Mancini, dont le petit-fils le possédait alors. Ce fief n’avait jamais été réuni à la couronne, de sorte que le duc y exerçait encore une partie de l’autorité féodale. Il en tirait de grands revenus qu’on évaluait à 350,000 livres, et qui provenaient surtout d’immenses étendues de forêts ; il entretenait à ses frais une chambre des comptes du domaine et duché-pairie de Nivernais et Donziais, dont le procureur-général était investi de grandes attributions. Cette charge, remplie autrefois par le célèbre Guy-Coquille, appartenait alors au jurisconsulte Parmentier, auteur d’écrits estimés sur l’histoire locale, et qui rédigea en 1789 le cahier des