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n’ont pas été imprimés, mais on sait par les mémoires de La Fayette lui-même ce qui s’y passa. Cette réunion n’avait, comme partout, d’autre but que de compléter par voie d’élection le nombre des membres ; on ne s’en tint pas là, et sur la proposition de La Fayette on adopta la délibération suivante dont il est inutile de faire remarquer le ton hardi et agressif : « L’assemblée a unanimement arrêté que son président est prié de faire parvenir à sa majesté l’hommage de notre profonde reconnaissance pour l’établissement salutaire et vraiment patriotique d’une assemblée provinciale, ainsi que de celles qui lui sont subordonnées, et particulièrement pour le principe équitable et bienfaisant qui doit régénérer les assemblées par une députation de représentans librement élus par leurs concitoyens. En même temps que nous recevons avec empressement une forme d’administration aussi désirée qu’avantageuse, nous espérons que le règlement qui nous est annoncé donnera un libre essor à notre zèle, à nos assemblées une dignité convenable ; nous prenons la liberté d’observer que notre province est une de celles qui ont cessé le plus tard d’exercer leur droit de s’assembler en états, et, considérant la différence des fonctions qui semblent destinées à l’assemblée avec les prérogatives sacrées de nos états, nous croyons devoir supplier sa majesté de daigner déclarer à la province, comme nous le faisons ici nous-mêmes, que l’exécution de ce nouveau règlement ne portera aucune atteinte aux droits primitifs et imprescriptibles de l’Auvergne. »

Les états d’Auvergne, rassemblés sous Charles VII, n’avaient eu qu’une existence obscure dans les siècles suivans et avaient achevé de s’éteindre sous Louis XIV ; le droit primitif et imprescriptible de l’Auvergne sommeillait donc depuis longtemps. En excitant ainsi toutes les provinces à réclamer leur ancienne constitution, on ne pouvait que provoquer une confusion générale. Rappeler les prérogatives sacrées des états, c’était afficher la prétention de les rendre souverains, et tant de souverainetés ne pouvaient se concilier avec l’unité de la monarchie[1]. L’assemblée de novembre se réunit sans que la question fût décidée, le ministre s’étant borné à répondre qu’il prendrait les ordres du roi ; mais on verra bientôt que la même agitation se produisit ailleurs avec plus de succès. Les provinces en bien plus grand nombre qui accueillirent avec reconnaissance l’édit

  1. Dans une lettre de La Fayette à M. de Latour-Maubourg, écrite vers la fin de 1789 et publiée pour la première fois par M. Mortimer-Ternaux dans les notes de son Histoire de la Terreur, on trouve le passage suivant, qui montre qu’il avait réfléchi depuis l’assemblée provinciale d’Auvergne : « Faites les assemblées provinciales très dépendantes du pouvoir exécutif, et multipliez les provinces jusqu’au nombre de soixante ou même de quatre-vingts, pour leur ôter l’idée de faire des états fédératifs. »