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celle de La Rochelle, et l’élection de Confolens à celle de Poitiers. La province se plaignait vivement de cette dispersion. Angoulême surtout souffrait dans ses intérêts comme dans les souvenirs de sa réunion à Limoges et demandait à s’en séparer, ce qui lui fut bientôt accordé. En 1789, l’Angoumois fut appelé à former un seul tout, sous le nom de sénéchaussée d’Angoulême, pour élire ses députés aux états-généraux, et l’assemblée constituante lui donna pleine satisfaction en l’érigeant en département.

Ainsi fut réduite à l’impuissance la bonne volonté du duc d’Ayen, qui avait pris fort à cœur son titre et ses devoirs de président. Fils aîné du maréchal de Noailles et lieutenant-général, le duc d’Ayen avait mérité, par des travaux sérieux de physique et par son dévouement à tous les grands intérêts nationaux, le double titre de membre de l’Académie des Sciences et de la Société d’agriculture de Paris. Une de ses filles avait épousé le jeune marquis de La Fayette. La petite ville d’Ayen, siège de son duché, est aujourd’hui un chef-lieu de canton du département de la Corrèze. Le marquis de Lasteyrie du Saillant, qui avait épousé une sœur de Mirabeau, appartenait aussi au Bas-Limousin ; son fils est bien connu par ses nombreux travaux sur l’agriculture et l’industrie, et surtout par l’importation de la lithographie en France. Cet avortement de l’assemblée provinciale du Limousin, le second que nous ayons eu à signaler jusqu’ici, était d’autant plus à regretter, qu’aucune province n’en avait un plus grand besoin. Turgot avait été treize ans, de 1761 à 1774, intendant de cette généralité ; mais son administration n’avait pu en si peu de temps guérir les plaies d’une longue oppression. On peut difficilement se faire une idée de l’état affreux où il trouva ce pays, naturellement ingrat ; la rudesse des institutions y rivalisait avec celle de la nature pour étouffer toute activité et tout bien-être.

En Limousin, comme dans tous les pays d’élection, la taille était originairement arbitraire et personnelle. Vers le même temps qu’en Champagne, c’est-à-dire en 1745, on avait essayé de la tarifer, c’est-à-dire de l’asseoir sur une espèce de cadastre ; mais cette opération difficile, faite avec trop de précipitation, présentait un tel désordre, que la province elle-même réclamait le rétablissement de l’ancien usage. Turgot lutta contre ces tendances irréfléchies, et parvint, à force de travail et de soin, à corriger les irrégularités les plus choquantes. Il fut soutenu dans cette entreprise par Malesherbes, alors président de la cour des aides de Paris. Il fut moins heureux dans ses efforts pour faire diminuer le montant de la taille. Le Limousin, qui ne payait que 1,400,000 livres de taille en 1700, payait 700,000 livres de plus en 1761, sans qu’aucune augmentation