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MÉNON.

Sur le cadran de l’Agora, le soleil marque le milieu du jour.

PHIDIAS.

Fort bien. Quelques figues me suffiront. Viennent-elles de chez mon frère ?

MÉNON.

Ton frère Pantenos te les envoie.

PHIDIAS.

Je lui ai parlé de toi, Ménon.

MÉNON.

Un esclave mérite-t-il l’attention des hommes libres ?

PHIDIAS.

Comme je suppose que ma mort n’est pas éloignée, je m’inquiète de ce que tu deviendras après moi. Si tu désires la liberté, mon frère t’affranchira. Si tu la refuses, comme tu l’as refusée jusqu’à présent, il te prendra dans sa maison, où il t’assurera une vieillesse tranquille.

MÉNON.

Notre vie et notre mort sont réglées d’avance par la destinée, il verse du vin dans une coupe qu’il présente à Phidias.)

PHIDIAS.

Je t’ai toujours traité avec bonté, Ménon, sans pouvoir adoucir ton esprit farouche. Puisque tu me hais, pourquoi persister à me servir ?

MÉNON.

L’apparence est plus forte que la vérité.

PHIDIAS.

Que dis-tu ?

MÉNON.

Beaucoup prennent le thyrse, peu sont inspirés par Bacchus.

PHIDIAS.

Œdipe pourrait seul te comprendre. Les devins et les magiciennes que tu fréquentes finiront par troubler ta raison, (il boit.) Ce vin est amer.

MÉNON.

Le miel que j’y ai mêlé n’est pas exempt d’âcreté. Il coûte moins cher, car nous sommes pauvres.

PHIDIAS, lui rendant la coupe.

Comme tu es pâle !

MÉNON.

La pâleur ne convient qu’aux coupables.

PHIDIAS.

Ta main tremble ?…

MÉNON.

Ceux-là doivent trembler que menace la colère des dieux, (il sort précipitamment.}