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assemblées, tant les joints échappent au regard. La fermeté, le poli de cette substance donnent aux chairs un éclat doux et une beauté vraiment divine.

CLÉON.

Par Hercule ! de quoi Phidias n’est-il pas capable ?

SIMMIAS.

Le visage surtout te frapperait d’admiration, car une telle majesté y est empreinte qu’on est forcé de s’incliner devant le maître tout-puissant du monde : il semble qu’un mouvement de ses sourcils ferait trembler l’Olympe. En même temps ses traits respirent la sérénité et la clémence ; on y sent rayonner l’intelligence qui prévoit tout, et cette inépuisable bonté qui convient au père des dieux et des hommes. Nos âmes étaient remplies à la fois de crainte et d’amour ; jamais on ne nous avait révélé sous une forme aussi imposante la grandeur de la Divinité et ses bienfaits.

LE GRAND-PRÊTRE.

Oui, Phidias poursuit sa tâche impie. Plus les dieux deviennent beaux, plus la religion s’affaiblit.

SIMMIAS.

Ou je ne sais plus parler clairement, ou tu n’as pas compris que la statue d’Olympie inspirait une piété plus vive aux mortels.

LE GRAND-PRÊTRE.

Il ne faut pas confondre la piété avec l’émotion fugitive que produit l’aspect d’une belle chose.

CLÉON.

Ne crains rien, fils de Mégasthène, Phidias ne nous échappera pas. Tu l’appelles ennemi des dieux ; moi, je prétends qu’il a trahi sa patrie, et l’éloquent Simmias l’accuse de vol. Mais n’est-ce pas Périclès qui traverse l’extrémité de la place ?

UN CITOYEN.

C’est lui-même.

LE GRAND-PRÊTRE.

Il se rend à la prison pour visiter Phidias et gémir avec lui.

CLÉON.

Il se fait vieux, le grand Périclès ; sa démarche est plus lente. Le fardeau des affaires devient trop lourd pour lui, nous le lui ferons bien voir. Le jour n’est pas loin où l’on ne s’écriera plus sur son passage : « Brillante Athènes, couronnée de violettes, montre-nous celui qui règne sur ce pays et sur la Grèce entière. »

SIMMIAS.

Ah ! voici encore des Éléens !

SCÈNE II.
LES PRÉCÉDENS, AGORACRITE, MÉNON, qui s’arrêtent devant le portique.
AGORACRITE.

Qui désignes-tu par le nom d’Éléens ?

SIMMIAS.

Apparemment les gens qui habitent l’Elide ou qui en reviennent.