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« — Belle montagnarde, si tu veux venir sur notre barque, nous te chanterons des chansons, des chansons sur la fleur des eaux ; nous te chanterons des chansons sur la fleur de la mer.

« Et quand ils furent sur la barque, ils en ont chanté des chansons ; ils en ont chanté sur la fleur des eaux, etc.

« Et ils firent plus de cinq cents milles. Elle a duré, cette chanson, elle a duré.

« Et quand ils eurent fait plus de cinq cents milles, la belle veut s’en retourner à la maison.

« — Que dira ma pauvre mère, quand elle ne me verra pas revenir à la maison ?

« — Belle, ne pensez plus à votre mère : maintenant vous êtes la femme des marins.

« — Que dira mon pauvre père, quand on lui dira que je me suis enfuie ?

« — Belle, ne pensez plus à votre père : maintenant vous êtes la femme des marins.

« — Que diront mes sœurs, quand elles s’en iront seules à la fête ?

« — O la belle, déshabille-toi, viens avec nous.

« — Je ne puis délacer ce corset. Il y a un nœud que je ne puis défaire. Beau galant, prête-moi ton épée : je couperai le nœud.

« Le beau galant lui donne son épée. Elle se la plante dans le cœur.

« — Ah ! nous possédions une belle fille, et nous n’avons pas su la garder. Et nous n’avons pas su la garder sur la fleur des eaux, et nous n’avons pas su la garder sur la fleur de la mer. »


Il y a moins de solennité dans la chanson normande du Beau Marinier, qui retrace une aventure semblable :

Quand la belle fut pour se coucher,
Vive l’amour !
Son lacet s’est noué,
Vive le marinier !

Prêtez-moi votre dague,
Vive l’amour !
Mon lacet est noué,
Vive le marinier !

Et quand elle eut la dague,
Vive l’amour !
Dans l’cœur se l’est plongée,
Vive le marinier !

Enfin une ballade nantaise, communiquée au Comité de la langue par M. de Corcelles, prend la chose sur un ton encore plus léger, et laisse la belle aux prises avec les mariniers qui l’ont attirée dans leur barque, sans prendre la peine d’indiquer le dénoûment, mais de manière à faire comprendre qu’elle n’en mourra pas[1].

  1. Voyez Instructions relatives aux poésies populaires de la France, par M. Ampère, p. 41.