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ravissemens, que, de peur que la sainte n’en mourût, on dut recommander aux enfans de se taire lorsqu’ils passeraient près du couvent. On reconnaît là ce mélange d’extase et de dilettantisme dont Cécile, la sainte romaine, est restée le type le plus connu. À côté de ces aspirations élevées et poétiques, il y a le point de vue pratique du catholicisme, qu’on n’a pas manqué de revêtir de la forme populaire. Le Credo, les dix commandemens de Dieu, les louanges de la Madone, la mort de Jésus, ont été un texte inépuisable de chants de ce genre.

Toutefois l’esprit catholique italien se révèle peut-être plus naïvement encore dans les poésies d’un autre genre, où l’on s’attendrait moins à le trouver. Un amant compte parmi les dons faits à sa maîtresse celui « d’être née l’an du jubilé, l’anno santo, le dernier dimanche de l’Avent. « Un autre s’écrie en termes presque semblables : « O belle, qui naquis dans la ville sainte, fus baptisée au dôme de Florence et confirmée par l’évêque de France ! » Un troisième, dans son dépit, veut signifier à sa maîtresse qu’il en aimera une autre. Voici comment il s’exprime :

È morto il Papa, e se n’ è fatto un altro,
E cosi farô io d’un altro amore,


comme nous dirions en France : « Le roi est mort, vive le roi ! »

Un thème qui revient fréquemment est celui d’une chanson qui débute ainsi :

Sono stato à Roma e con Papa ho parlato.


Il s’agit d’un amant qui va demander au pape si faire l’amour est un péché. La réponse varie ; tantôt c’est le pape lui-même qui prononce cette solution peu édifiante :

Basta far l’amor con una bella figlia.


Tantôt c’est un des cardinaux qui se charge de la réponse :

Fate l’amor, che siate bonedetti !

Sans doute il y a là une morale facile qui rappelle le Curé de Pomponne, le Dieu des Bonnes gens ; mais qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est ni hostilité calculée, ni indifférence. Cantù, parlant des chansons contre les moines, dit avec raison : « Un assez grand nombre est dirigé contre les religieux et les religieuses, perpétuel objet de la raillerie et du respect, des outrages et des espérances du vulgaire, et de tel qui ne se croit pas du vulgaire. » Beaucoup, comme en Allemagne et en France, traitent d’inclinations contrariées, de vœux forcés ; mais elles n’ont ni l’amertume des premières ni le libertinage des secondes. L’une de ces chansons parle d’une