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qui appartiennent spécialement aux marches maritimes, aux côtes de la Toscane, à celles de Gênes, où l’on aime à retrouver dans la bouche du peuple le grand nom de Christophe Colomb. « J’ai couru les quatre parties du monde, et je m’entends un peu à la marine ; là-dessus je défie tout le monde, excepté Colomb. »

La Romagne a ses villanelles aux rudes accens, à la mélodie sévère, qui remuaient si fortement le cœur de Byron. Dans les Marches, l’usage est de chanter en chœur : une femme attaque en solo le premier vers, répété par une ou plusieurs voix qui forment une harmonie, et ainsi de suite.jusqu’au dernier vers de la strophe[1]. Le stornello[2], ou chant dialogué de trois vers, est une forme favorite dans l’Ombrie, à Sienne, à Pistoie, où il se chante dans les noces et aux fêtes du mois de mai. En mars 1861, la garnison toscane qui occupait Bologne chantait la nuit à pleine voix des stornelli répétés en chœur par les habitans. « Sur les places publiques de Rome et de Naples, dit Cantù, chacun a pu entendre les chants épiques qui célèbrent les aventures des chefs ou bandits fameux, Meo Patacca, Mastrilïi, Fra Diavolo. Les Deux-Siciles sont particulièrement renommées pour leurs mélodies, dont les accens, partis du cœur, ont été étudiés et imités avec succès par plusieurs grands maîtres. Il y a peu d’années sortit de Naples une chanson (Io ti voglio bene assai) qui fit rapidement le tour de l’Italie. Nous étions là au premier moment où elle fut chantée, et nous pûmes voir en action le phénomène des créations populaires. Chacun se demandait qui avait composé les paroles, qui leur avait adapté un air chanté indistinctement par le lazzarone de Santa-Lucia et par la grande dame de la rue de Tolède. Le tout était né d’hier, et rien ne paraissait plus facile à éclaircir. Eh bien ! non, poète et musicien restaient anonymes, si bien qu’à San-Carlino on joua une comédie dont l’intrigue roulait précisément. sur la recherche du fameux inconnu. »

Dans le recueil de Mueller, Egeria, on trouve un certain nombre de chansons napolitaines qui peuvent donner une idée du genre, mais qui ont un goût de terroir trop prononcé pour qu’on essaie de les traduire. Il y en a de sentimentales, de plaisantes et de satiriques. C’est dans la patrie de Polichinelle que devait naître celle qui est intitulée : Canzonetta nova e gustoza ncoppa no granne e maraviglioso naso) mais, nous le répétons, il faut renoncer à la traduire, bien qu’elle pétille de verve bouffonne, et qu’il y soit question des Français.

C’est dans les îles surtout que se sont conservés, presque sans mélange, les mœurs patriarcales, les souvenirs de l’antiquité grecque

  1. Marcoaldi, Cenni sui canti popolari.
  2. Du provençal estor, estorn, joute, tournoi, et non de ritornello, comme on le répète souvent.