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excessif pour les consommateurs. De là l’intervention, le subside de l’état, faisant ou subventionnant les choses de bien public que les compagnies ne voudraient pas entreprendre, faute d’y trouver leur bien particulier. Rien n’est mieux entendu. Ajoutez à cette pauvreté du pays la pauvreté d’une église qui, visitée deux fois par des révolutions, d’abord par la réforme, puis par l’abolition de l’épiscopat, gardant à peine quelques moyens d’existence, ne pouvait faire une aumône comme celle des écoles primaires. On comprend dès lors que l’état ait imposé aux localités écossaises la dépense des écoles et même de l’église : cette dépense nécessaire n’eût point été faite spontanément, comme elle l’est en Angleterre, dans des conditions économiques infiniment supérieures. On conçoit encore mieux que l’état consente à supporter une partie des dépenses qu’il impose.

Quant à la justice, nous avons vu qu’elle n’appartient pas en Écosse aux juges de paix. Ici la tradition féodale est en ruine, mais elle ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Elle avait duré trop longtemps : elle avait affronté un âge de clairvoyance. Croirait-on qu’en Écosse les juridictions héréditaires, c’est ainsi qu’on appelait les justices seigneuriales, existaient encore en 1750 ? Et cela était si peu nominal ou honorifique, que l’entretien des prisons était la charge du seigneur, c’est-à-dire apparemment la charge du droit qu’il avait de les remplir. Un incident où les abus de la chose n’étaient pour rien emporta la chose : je veux parler de la dernière tentative des Stuarts en Écosse avec l’assistance de quelques seigneurs écossais. Les juridictions héréditaires furent abolies du coup, moins pour ce grief que pour s’être aventurées jusque dans le XVIIIe siècle. Un trait, un seul peut-être, était de trop dans cette institution : l’hérédité légale. Voilà ce que gagnent les abus à durer sans mesure et sans réforme, à paraître tout entiers devant une époque où la lumière s’est faite ; on ne les touche pas à demi : tels ils ont duré, tels on les arrache, racine comprise, où se trouvait peut-être un fond, une sève de droit et d’utilité générale.

De là cette grande figure du pouvoir central en Écosse. Il fallait bien créer de nouvelles autorités et de nouveaux moyens de finance dans un pays où les révolutions avaient détruit le pouvoir épiscopal et ses richesses, le pouvoir féodal et ses justices. Où les établir, si ce n’est au centre ? Solution infaillible dès que pareille question est posée ; mais elle ne l’est pas dans les pays qui savent garder et améliorer les vieilles institutions, les laissant où elles sont nées, où elles ont pris racine, mais avec une nouvelle âme.

Après cela, il ne faudrait pas, quand on parle de révolutions à propos de l’Écosse, prendre ce mot au pied de la lettre, ou du moins tel que nous l’entendons en France. Je ne sais comment il