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prennent le dessus, donnent le ton… Cela est inévitable, et il arrive ainsi que toutes choses, même les affaires, se passent, se traitent tolérablement entre ces gens bien élevés, les uns sachant, les autres comprenant, tous apportant quelque idée innée de la chose publique, éclairés par les usages, assistés d’ailleurs par le clerk of peace. Je n’aurais garde d’oublier ce fonctionnaire, qui, sous le nom modeste de greffier, est, si je ne me trompe, une pièce capitale de l’administration du comté. » Il est, dit le rapport déposé à la chambre des représentans belges, l’officier du collège des juges de paix. C’est lui qui tient leurs écritures, exécute leurs décisions et prend une large part à l’administration du comté. »

Je trouve en outre dans le budget du comté de Surrey (un comté comme un autre, si j’en juge par son budget, comparé à tel autre budget local) que le greffier touche un traitement de plus de 30,000 francs (1,300 livres sterling), par où il est fort inférieur à qui ne touche rien : un chiffre lumineux cependant où l’on entrevoit le prix et le rôle de l’expérience, du savoir, de la spécialité, comme on dit, rappelant la règle et les usages, suggérant les solutions, enfin consultant de la manière la plus délibérative. Les Anglais, on le remarque ici une fois de plus, sont encore dans les liens du moyen âge, qui ne savait pas distinguer le gouvernement en action et en délibération, qui mettait ces deux pouvoirs tantôt dans un homme, tantôt dans un corps, au lieu de créer deux organes, comme on l’a fait de nos jours. Cette découverte est en effet toute récente. « L’administration, dit le général Foy parlant du premier consul, prit entre ses mains une marche sûre et rapide par l’application féconde du principe qui confie l’action à un seul et la délibération à plusieurs. » Ce principe ne s’est pas fait reconnaître chez nos voisins : le collège des juges de paix, en Angleterre, n’a pas près de lui un agent qui soit de tout point ce qu’est chez nous le préfet auprès du conseil-général. Cependant il est dans la nature des choses que la délibération et l’action se divisent, se dégagent l’une de l’autre à certains momens ; de là le clerk of peace. En outre il n’est pas moins naturel que l’action, de quelque manière qu’elle soit classée dans la hiérarchie des pouvoirs (les Anglais la mettent au plus bas, même dans leurs sociétés de commerce), se classe elle-même en vertu de la valeur qui lui est propre et en raison de l’habileté dont elle fait preuve ; de là l’indubitable importance du clerk of peace, attestée par ces deux circonstances : qu’il est seul de son office dans le comté, et que cet office est récompensé, c’est-à-dire évalué pécuniairement au taux fort élevé que nous avons vu. Quand ce greffier serait tenu pour gentleman, cela ne m’étonnerait pas.

Pour décrire un pouvoir, il faut y montrer trois choses : l’agent,