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tra chez moi à deux heures du matin. Il venait de la part de Pasquali savoir si La Florade m’avait donné signe de vie. Pasquali n’avait encore pu le joindre. On ne l’avait pas vu au poste du Baou-Rouge, et pourtant le garde de la forêt de la Bonne-Mère affirmait lui avoir parlé la veille, à sept heures du soir. C’est ce garde, déjà informé, qui lui avait appris la mort de la Zinovèse. La Florade s’était mis à courir à travers bois dans la direction du poste. Depuis ce moment, personne ne l’avait revu. Les gardes-côtes n’avaient pas signalé d’autre passant sur les sentiers de la falaise que Pasquali et Marescat lui-même, qui avait marché et cherché en vain une partie de la nuit, tandis que Pasquali cherchait de son côté.

— Le brigadier cherchait-il aussi ? demandai-je à Marescat tout en m’habillant à la hâte.

— Oui, c’était son devoir. Quoiqu’il fût en prière depuis sept heures jusqu’à minuit auprès du corps de sa femme, il a commandé les recherches, et il y a été aussi de temps en temps ; mais dans tout ça il n’y avait que M. Pasquali et moi d’inquiets. Tout le monde disait : Ça aura fait de la peine à l’officier de voir la brigadière morte ; il n’aura pas pu se décider à entrer au poste, il sera retourné par les bois, et à présent il est bien tranquille à son bord.

— Et pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Au lieu d’explorer les bois, ne vaudrait-il pas mieux aller au port de Toulon ?

— C’est ce que M. Pasquali est en train de faire. Il a été prendre un bateau à La Seyne, mais il m’a dit : Va voir au quartier de Tamaris, et s’il n’y est pas, tu diras au docteur de s’inquiéter.

— Qu’est-ce qu’il craint donc, M. Pasquali ? Le savez-vous ?

— Oui et non, que je le sais ! Il a l’idée que son filleul peut avoir fait quelque bêtise dans le chagrin.

— Se tuer ?

— Oui, — ou se battre.

— Avec le mari ?

— Oui, peut-être ! Pourtant le mari ne savait rien.

— Et La Florade n’est pas assez fou pour s’être confessé…

— Ah ! dame, il est bien fou, vous savez, et dans le moment d’une mauvaise nouvelle on parle quelquefois plus qu’on ne croit parler.

— S’étaient-ils vus hier soir, lui et le brigadier ?

— Le brigadier dit que non, et les hommes du poste ne savent pas. Vous sentez qu’on ne peut guère questionner là-dessus. C’est des choses délicates, encore que tout le monde par là sache bien ce qui en était de la brigadière et du lieutenant !

En parlant ainsi avec Marescat, j’avais gagné le rivage pour me rendre au Baou-Rouge. La course est longue et rude, mais moins