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TAMARIS

IV.

Je ne pus dîner avec le baron[1]. Je parlai d’une migraine violente. Il s’inquiéta, et vint plusieurs fois me voir. Il craignait une rechute. Je fis semblant de dormir, et il fut mandé, je crois, par la marquise, car j’entendis la voix de Nicolas dans la maison. Deux heures après, le baron rentra, m’interrogea, et, me croyant mieux, me dit qu’il remettait au lendemain de me parler de choses intéressantes.

— Oui, oui, lui répondis-je ; en ce moment, j’ai vraiment besoin de repos. Demain je serai tout à vous.

J’espérais retremper mes forces morales en imposant l’inaction à mes facultés ; mais je ne pus trouver le sommeil, et je dus y renoncer. Je me levai ; j’écrivis à mes parens que ma santé était rétablie, mais que d’impérieux devoirs devaient retarder de quelques jours, de quelques semaines peut-être encore le moment de notre réunion. Je sentais en effet que ce n’était pas au début de sa carrière d’agitations et peut-être de malheurs que je devais quitter la marquise. Le baron était bon pour le conseil, mais pas assez ingambe pour courir de La Florade à la Zinovèse, si le péril devenait sérieux de ce côté-là. La marquise avait sans doute pressenti l’horrible vérité ; Paul était peut-être menacé. Ses craintes m’avaient paru exagérées ; mais dans le calme sinistre des nuits sans sommeil les fantômes grandissent, et celui-là se présentait devant moi. J’aimais Paul avec une sorte d’adoration, moi aussi ! Que ce fût à cause de

  1. Voyez la livraison du 1er mars.