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n’a pas eu dans le rôle du furioso la vigueur sauvage qui aurait pu faire vivre pendant quelques représentations une aussi faible musique.

Au troisième concert du Conservatoire, qui s’est donné le 7 février, il s’est passé un incident qui a été fort mal apprécié par des écrivains qui ont de très bonnes raisons pour se plaindre du goût du public parisien. Au nombre des morceaux qui remplissaient le programme de cette belle fête se trouvait le Benedictus de la messe en de Beethoven. Cette grande page de musique, dont l’introduction symphonique est d’un style si grandiose et si profond, se développe indéfiniment sans que l’auteur se préoccupe beaucoup ni du sens des paroles liturgiques, ni du temps et du lieu où se passe l’action, ni des limites de la voix humaine, que Beethoven traite comme un instrument ordinaire. Aussi les pauvres petites voix parisiennes de Mme Balbi et Tarby, de MM. Grisy et Petit, ont-elles succombé sous le fardeau de ce terrible quatuor qu’elles avaient à interpréter, et le chœur en a fait autant en détonant. Il est arrivé au Conservatoire ce qui est arrivé le printemps dernier au festival d’Aix-la-Chapelle, où le Benedictus de Beethoven a éprouvé le même sort. Le public a manifesté son mécontentement ; disons le mot, on a chuté, non pas la musique de Beethoven, mais les faibles chanteurs qui étaient si mal préparés à rendre les effets de ce morceau terrible de prétendue musique religieuse. D’ailleurs, si le public distingué qui fréquente les séances de la Société des Concerts eût élevé son blâme jusqu’à Beethoven lui-même, qui, égaré par ses infirmités, par des vues systématiques et par son génie épique, n’a su s’astreindre ni aux lois qui règlent l’action dramatique, ni respecter les limites de la voix humaine, ce public aurait eu raison de dire à l’auteur du Benedictus : « Il y a quelqu’un de plus grand que le plus grand génie, c’est l’art et la nature des choses. » Que la Société des Concerts ne se tienne pas pour battue cependant. Il lui appartient d’insister et de dire au public qu’elle éclaire : Frappe, mais écoute ! C’est après tout du Sophocle, qu’il faut connaître, ne fût-ce que pour mieux apprécier les pages vraiment divines de l’œuvre immense du maître.

Nous avons parlé dernièrement ici d’un heureux symptôme de renaissance des bonnes études musicales qui semble s’annoncer en Italie, particulièrement dans la ville de Florence. Le monument qu’on y élève à la mémoire de Cherubini, la fondation d’un prix pour le meilleur quatuor qui serait composé par un Italien, fondation qu’on doit à la générosité d’un amateur distingué de cette ville, M. Basevi, le goût pour la musique instrumentale qui commence à 5e propager dans la péninsule, tout paraît indiquer que le génie de la nation se préoccupe de compléter ses qualités originelles par la connaissance des chefs-d’œuvre de la musique instrumentale de l’école allemande. Ainsi nous avons sous les yeux un spécimen d’une publication très intéressante. Un éditeur de musique de la ville de Florence, M. Guidi, a formé une société dite du quatuor, società del quartetto, qui s’est donné pour tâche de répandre parmi les artistes et les amateurs italiens les plus beaux chefs-d’œuvre qui existent en ce genre. Il a commencé