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actes, le Joaillier de Saint-James, dont la première représentation a eu lieu le 17 février. Cet opéra de M. Grisar est le remaniement d’un, ancien ouvrage en deux actes qui a été donné au théâtre de la Renaissance en novembre 1838, sous le titre de Lady Melvil. Rien n’est plus romanesque que la donnée du libretto de MM. Saint-Georges et de Leuven. Un noble florentin s’expatrie après la mort de son père, pour ne pas offrir le spectacle d’un grand nom tombé dans la détresse. Il vient à Londres, où, sous le nom de Bernard, il s’ingénie à se créer des moyens d’existence, et bientôt, devenu un grand artiste en joaillerie, il voit ses bijoux fort recherchés par la haute aristocratie anglaise. Je ne sais trop dans quelle circonstance Bernard a l’honneur de rendre un service signalé à une grande dame, en la défendant nuitamment et l’épée à la main contre d’obscurs agresseurs. Un jour cependant la marquise de Richemont vient, par désœuvrement, visiter l’atelier du célèbre Bernard ; elle remarque un collier en diamans du travail le plus exquis. C’est le chef-d’œuvre de l’artiste, et elle veut immédiatement en faire l’acquisition. « C’est impossible, répond Tom Krick, le domestique et l’ami de Bernard. Ce collier nous a été commandé par la duchesse de Devonshire, qui l’attend pour ce soir. — Ah ! répond la marquise, j’en suis désolée ! J’aurais été heureuse d’acheter une si belle chose et de m’en parer ce soir à une grande fête où je dois assister. » Bernard, qui a conçu pour la marquise une passion des plus vives, et qui, caché dans une chambre voisine, entend l’expression de son regret, se décide à envoyer à la femme qu’il aime, et qui a conservé de lui un aussi doux souvenir, le riche collier qu’elle a tant admiré. De cette démarche inconsidérée de l’artiste naît une foule d’incidens, qui remplissent le second et le troisième acte et se dénouent par le mariage de Bernard avec la marquise, qui n’ignore plus qu’elle donne sa main à un noble florentin. C’est ce qui nuit à la donnée romanesque de la pièce, assez intéressante d’ailleurs. Des mariages comme celui de Bernard et de la marquise de Richemont se font tous les jours à Paris, et ne méritent pas d’être illustrés par un homme de talent. Un personnage fort drôle, qui est la cheville ouvrière de toute l’intrigue, c’est d’Esbignac, un gentilhomme gascon à qui M. Couderc prête une verve amusante et communicative.

M. Grisar est un musicien agréable et ingénieux, connu par trois ou quatre opérettes de genre où il a versé un rayon de gaîté naïve et d’originalité mélodique dans une forme légère qui rappelle la manière de Grétry et celle des vieux maîtres français. Tel est en effet le mérite de Gilles Ravisseur, de l’Eau merveilleuse, de Bonsoir, Monsieur Pantalon, et du Chien du Jardinier. M. Grisar, qui est de Bruxelles, est l’auteur aussi de cette belle déclamation lyrique devenue populaire sous le nom de la Folle. C’est Nourrit qui la répandit dans le monde parisien en la chantant dans les salons et dans les concerts publics avec un succès inouï. M. Grisar a bien essayé d’agrandir son horizon dans un opéra en trois actes, les Porcherons, qui renfermait des morceaux gracieux, des chants aimables, mais de courte