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l’Italie feuille à feuille, et de la recomposer sur le noyau piémontais. Ces esprits redoutent les dangers d’une large initiative, ils aiment à procéder par petits expédiens, ils ont toujours quelque mesure spéciale toute prête pour parer aux difficultés de détail que peut faire naître la pratique des institutions libres ; leur ascendant sur les partis avancés se borne à lier les hommes secondaires de ces partis dans des transactions mesquines. En somme, un tel système, dépourvu de grandeur, manque également de prudence. Il ne tend qu’à rendre les difficultés plus redoutables en les accumulant sur l’avenir. M. Ricasoli, malgré les regrets que laisse la perte de Cavour, est pour le moment la figure la plus ample de l’Italie. Cette personnalité loyale, franche, tranchante, inhabile aux manœuvres de parti, est bien l’expression la plus élevée du patriotisme italien. Le parti du mouvement vient de se déclarer nettement pour le maintien du baron Ricasoli au pouvoir ; le premier ministre de son côté a déclaré, avec une droiture que personne ne peut contester, ses fermes intentions. Il respectera toutes les libertés, et n’emploiera pas contre les associations politiques ces mesures de restriction que conseillait une politique étroite et pusillanime ; mais en même temps il a annoncé qu’il saurait réprimer les abus qui seraient faits des libertés, et qu’il entendait que le gouvernement conservât exclusivement l’initiative dans tous les actes qui intéressent la politique générale de la nation italienne. La gauche ne s’est nullement récriée contre ces déclarations catégoriques, qui ont été sanctionnées par le vote presque unanime de la chambre. Ce dénoûment des difficultés ministérielles ne sera pas seulement utile à la politique étrangère de l’Italie ; il est une garantie de la persévérance et en même temps de la modération du peuple italien. À l’heure qu’il est, nous croyons pouvoir affirmer qu’il n’y a aucune imprudence à redouter de la part de Garibaldi et de ses amis. Tout le monde comprend au-delà des monts que la politique la plus sûre pour l’Italie est la politique expectante ; tout le monde sent que cette période d’attente ne sera pas sans profits, car on l’emploiera à négocier, à armer, à élever le crédit financier du pays, à développer les grandes voies de communication, en un mot à organiser le gouvernement dans toutes ses branches. Nous appréhendons que les tentatives de guerre civile qui ont leur foyer à Rome, qui se trament par conséquent sous les yeux mêmes de la France, ne suscitent bientôt au gouvernement italien des distractions malheureuses. Ce n’est un mystère pour personne que, sous l’influence du roi François II, de nouvelles expéditions de guérillas se préparent à pénétrer dans les provinces napolitaines. Malgré le respect que nous inspire une royale infortune, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître que le roi François II fait un étrange usage de l’hospitalité que la France en réalité lui donne à Rome, car la retraite de nos troupes ne lui permettrait pas, il doit bien le sentir, d’y demeurer un seul jour. On fabrique maintenant à Rome des billets de banque au nom de François II. La chalcographie romaine est mise à la disposition de l’émigration napolitaine pour la fabrication de