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que cette jeunesse a montrée le jour où un esprit sérieux et libre, où un écrivain accompli prenait au Collège de France la parole qui devait lui être si tôt retirée, est un symptôme plein de promesses. M. Renan a terminé sa leçon en adressant à cette jeunesse des conseils virils. Les jeunes gens qui ont applaudi à cette exhortation sauront en profiter. Quand l’activité intellectuelle se réveille dans les jeunes générations, elle se porte d’un bond enthousiaste aux applications de la politique, aux intérêts du patriotisme, à l’étude des institutions de, la liberté. Dans un moment comme celui-ci, la traduction que M. Dupont-White publie du livre de M. J. Stuart Mill sur le gouvernement représentatif paraît avec une merveilleuse opportunité. Nous signalons ce livre excellent à la jeunesse libérale et sérieuse. Le traducteur, M. Dupont-White, est un des rares esprits qui se consacrent encore parmi nous à la philosophie politique. Il a déjà fait connaître, par une étude remarquable que les lecteurs de la Revue n’ont pas oubliée, le beau livre de M. Mill, dont il devient aujourd’hui l’interprète dans notre langue. Cet ouvrage est un traité achevé de science politique ; c’est un de ces livres qui ont le don de faire penser et qui fécondent les intelligences. Il n’y a pas d’esprit plus libre de préjugés et en même temps plus impartial que M. Mill. Il aborde les questions sociales et politiques, et il les résout avec cette hardiesse intrépide et cette exactitude positive dont l’alliance est le caractère du vrai savant. Son ouvrage devra plaire à la jeunesse de notre pays et de notre temps. Elle n’y trouvera pas les fades lieux-communs de l’optimisme ; elle y rencontrera de mâles accens dans le goût de ceux-ci, par exemple, empruntés au chapitre qui a pour titre l’Idéal de la meilleure forme de gouvernement est le gouvernement représentatif : « Cette question (la supériorité du gouvernement populaire sur tout autre) repose sur une autre plus fondamentale encore : — à savoir, quel est entre les deux types de caractère celui qu’il est le plus désirable de voir prédominer pour le bien général de l’humanité, le type actif ou le type passif, celui, qui lutte contre les maux ou celui qui les supporte, celui qui se plie aux circonstances ou celui qui entreprend de les faire plier. Les lieux-communs de la morale et les sympathies générales de l’humanité sont en faveur du type passif. On peut admirer les caractères énergiques, mais les caractères tranquilles et soumis sont ceux que la plupart des hommes préfèrent. Ce qu’il y a de passif chez nos voisins accroît notre sentiment de sécurité, et joue pour ainsi dire le jeu de ce qu’il y a chez nous de plus impérieux. Les caractères passifs, s’il ne nous arrive pas d’avoir besoin de leur activité, semblent un obstacle de moins sur notre chemin. Un caractère satisfait n’est pas un rival dangereux. Cependant rien n’est plus certain : tout progrès dans les affaires humaines est l’œuvre des caractères mécontens, et en outre il est bien plus facile à un esprit actif d’acquérir les qualités patientes qu’à un esprit passif d’acquérir les qualités énergiques. » La jeunesse nouvelle aura en politique à réparer bien des fautes commises par les générations qui l’ont précédée. Nulle part mieux que dans le livre de M. Mill, elle