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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février 1862.

Nous arrivons trop tard pour partager l’émotion qui a passionné plusieurs séances du sénat, consacrées à la discussion de l’adresse, et nous arrivons trop tôt pour ressentir la chaleur qui sans doute avant peu échauffera encore les débats de notre première chambre et les controverses du corps législatif. Nous ne nous plaignons point de notre sort : il ne nous déplaît pas de n’être point obligés de prendre parti au jour le jour sur les mobiles incidens de ces nouvelles luttes parlementaires. Si nous les observons d’un peu plus loin, nous pouvons peut-être les juger d’un peu plus haut que ceux qui en sont les acteurs et les annalistes quotidiens.

Deux grands faits ressortent à nos yeux des discussions animées du sénat. Une lutte est engagée avec plus de vivacité qu’on ne le supposait naguère entre un parti de conservation et d’immobilité et un parti de révolution ou de progrès ; la cause et l’objet de cette lutte sont dans les questions religieuses. La grande cause et l’objet véritable du combat dont nous venons de voir les accidens préliminaires, c’est la situation actuelle de la papauté, c’est la question romaine ; voilà le premier fait. Le second, c’est qu’il est visible que le seul moyen de transaction équitable, le seul que comportent les dissentimens qui se prononcent dans une société éclairée, fait défaut aux deux partis qui sont aux prises : nous voulons parler de la liberté, non du mot retentissant et vide dont la rhétorique des gouvernemens et des partis aime à se parer, mais de la liberté pratique, de celle qui se réalise par la manifestation complète de l’opinion, par son influence efficace et sincère sur le gouvernement, de celle qui réside essentiellement dans la liberté de la presse et dans la liberté électorale. Telle est la cause de la lutte actuelle, telle est l’insuffisance des moyens avec lesquels les deux partis contraires la soutiennent. Le défaut de liberté suffisante en est le vice et en fait le péril.