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abord des forêts aliénées un plus grand produit, ce ne pourrait être qu’aux dépens du capital, et le capital forestier une fois détruit ou au moins fort diminué, le revenu baisserait avec lui.

Quand il est possible de mettre à la place des bois existans de bonnes terres arables, de bonnes prairies, de bonnes vignes, il vaut mieux défricher ; mais la plus grande partie des forêts de l’état n’en est pas là. Elles occupent des montagnes ou des terrains stériles, qui ne peuvent être utilisés autrement. Pour celles-là, il est bon qu’elles restent sur pied, et même qu’elles s’étendent sur les montagnes qui n’en portent pas encore. On sait ce que l’intérêt privé fait des bois de montagne qui lui sont livrés : à la place de forêts qui pourraient valoir 1,000, 2,000, 3,000 francs l’hectare, il met de mauvais pacages ou des taillis ruinés qui n’en valent pas le quart. Une loi récente donne à l’état le droit de s’emparer de ces terrains pour les reboiser : il se peut que, pendant longtemps, l’état ne retire pas l’intérêt de ses sacrifices ; mais, si l’opération est bien faite, il aura créé au bout de cinquante ans un immense capital, même sans parler des autres avantages qui en résulteront pour le bon aménagement des eaux, des vents et des climats. La culture forestière est toute une science que l’état seul peut convenablement rémunérer ; il suffit de lire les Études d’Économie forestière publiées dans la Revue même par M. Clavé pour voir l’importance et la variété des problèmes qu’elle soulève.

La propriété des corporations se défend par d’autres motifs. D’abord le droit d’association est un droit naturel, et le droit de s’associer entraîne celui de posséder en commun. Ensuite il se présente quelquefois, en dehors de l’ordre purement économique, des considérations importantes en faveur de cette nature de propriété. Je n’ai pas besoin de rappeler à un économiste aussi instruit que M. du Puynode que, d’après Adam Smith, notre maître commun, il pourrait être bon, dans l’intérêt de la justice, que les revenus de la magistrature fussent empruntés à des propriétés collectives plutôt qu’à un salaire payé par l’état. Quand on parle de corporations, c’est surtout des corporations religieuses qu’il s’agit. Eh bien ! pour réaliser une formule dont on parle beaucoup depuis quelque temps, l’église libre dans l’état libre, ne vaudrait-il pas mieux que les frais du culte fussent pris sur d’autres ressources que les allocations précaires du budget ? L’abus est facile sans doute ; on a vu dans d’autres temps les propriétés ecclésiastiques comprendre le quart, le tiers et jusqu’à la moitié du sol ; il appartient à la loi de les renfermer dans de justes bornes, et surtout de mettre obstacle aux donations par acte de dernière volonté, qui sont ici justement suspectes ; mais le droit de propriété des associations ne saurait être contesté, et, quand cette propriété existe, elle ne peut pas plus que toute autre être enlevée à ceux qui la possèdent hors le cas d’intérêt public bien constaté et sans une juste et préalable indemnité.

De l’industrie agricole, M. du Puynode passe à l’industrie manufacturière