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quand on les punit injustement ou quand on leur inflige une correction méritée. Tout dépend de la manière de les traiter, et, comme nous disons, c’est le bon veneur qui fait la bonne meute. Je n’aime point chez les fox-hounds une soumission servile et cauteleuse. La différence entre les chiens de haute et de basse race est que les premiers, quoique tout aussi dociles que les seconds, obéissent avec un air de grâce et de fierté. Il y a pourtant, en dépit de la meilleure direction, et au sein des meutes les plus fashionables, des chiens tout à fait incorrigibles. Quelques-uns d’entre eux cherchent sans cesse querelle à leurs camarades, ou désorganisent la chasse en élevant la voix à chaque instant. Un bon chien ne doit parler dans le fourré que quand il a quelque chose à dire. Vous souriez en songeant peut-être que les hommes eux-mêmes n’en font point toujours autant. Cela est vrai ; mais si vous êtes initié aux secrets de la chasse au renard, vous devez comprendre les conséquences funestes d’une fausse alarme pour le succès de la journée. Le pis est encore que certains de ces défauts sont contagieux : il suffit d’un mauvais chien, bruyant ou indiscipliné, pour démoraliser toute une meute. Il faut donc alors s’en défaire. — Qu’entendez-vous par là ? lui demandai-je, devinant à l’expression mystérieuse de sa figure qu’il s’agissait de quelque chose de grave. — Eh bien ! oui, répondit-il, il faut de temps en temps un exemple. Le chien condamné à mort après de mûres réflexions est emmené des kennels avec un nœud de corde autour du cou et pendu. Les autres fox-hounds sont ainsi avertis de se tenir sur leurs gardes. — Croyez-vous réellement que ses camarades comprennent les motifs de la sentence et la nature de l’exécution ? — Je n’en doute pas, dit-il alors de l’air le plus sérieux du monde. »

Le feeder, quoique ferme partisan de la peine de mort, aimait sincèrement ses chiens, et il en parlait volontiers avec éloge. « Ce sont après tout de bons enfans, se hâta-t-il d’ajouter. Ils ont surtout au plus haut degré le sentiment de la défense mutuelle et savent s’entr’aider au besoin les uns les autres. Je voudrais que vous pussiez les voir durant la nuit ; si vous êtes peintre (car il y a déjà deux ou trois artistes qui sont venus visiter nos kennels), vous auriez là le sujet d’un beau tableau. Il est curieux d’observer comme ces pauvres animaux, éreintés souvent par la course, après une dure journée de chasse, se couchent sur leur lit commun de manière à ne point se gêner entre eux ; ils se placent même de façon que leur corps puisse servir d’oreiller pour soutenir la tête de leur voisin. Quand la bonne intelligence de la meute vient par hasard à être troublée, c’est le plus souvent la faute d’un ou deux mauvais caractères., Dans la plupart des chenils se trouve un maître chien qui exerce une véritable autorité sur toute la bande. Tout va bien tant