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que celle de la France ne dépasse pas, et qu’atteignent seulement pour moitié le Danemark et la Suède réunis ? Le Hanovre possède à lui seul 831 grands navires avec 102,000 tonneaux, Hambourg 488 avec 197,000 tonneaux, Brème 279 avec 180,000 tonneaux, Oldenbourg 259 avec 60,000 tonneaux. On connaît enfin la puissance maritime de l’Autriche. Pourquoi donc ces forces particulières que possède l’Allemagne ne se développeraient-elles pas en liberté, au lieu d’être absorbées ou même annihilées au profit de la Prusse ? Comment admettre en particulier, soit pour la marine, soit au point de vue de la politique générale, cette exclusion de l’Autriche que le National Verein et la Prusse paraissent avoir décrétée ? Il faut aux unitaires une Allemagne malléable et docile, et celui des états qui leur semble trop puissant encore pour se plier à leur volonté, ils le retranchent ! L’Autriche n’envoie-t-elle pas cependant quelques gouttes de soc meilleur sang au cœur même de l’Allemagne ? Aujourd’hui comme il y a plusieurs siècles, n’est-elle pas l’unique boulevard contre le danger que recèle le slavisme ? A Trieste et sur le cours inférieur du Danube, ne représente-t-elle pas un intérêt vital, celui des communications de l’Allemagne avec l’Orient ?

Telles sont les récriminations du particularisme contre le National Verein et la Prusse. Il ne lui est pas difficile de démontrer que le succès des plans qui ont rencontré à Berlin un favorable accueil serait tôt ou tard la rupture du lien fédéral, le démembrement de la patrie allemande, et, si les puissances étrangères pouvaient jamais le permettre, le renversement complet de l’équilibre européen. S’il faut reculer devant une telle carrière d’aventures, et si l’Allemagne, mécontente de sa constitution, persiste cependant à chercher le rétablissement d’un équilibre qui lui manque évidemment aujourd’hui, quelle combinaison nouvelle, après celle des unitaires, pourra lui agréer ? M. le baron de Beust, premier ministre du roi de Saxe, a pris sur lui d’en présenter une.

Ce n’est pas la première fois que le nom de M. de Beust paraît en tête de l’histoire constitutionnelle de l’Allemagne. Il semble avoir voué sa carrière d’homme d’état à la réforme légale du système fédéral et à la réclamation des droits qu’un tel système, fidèlement pratiqué, doit réserver aux états secondaires. M. de Beust est né, le 13 janvier 1809, d’une famille connue depuis longtemps dans la haute administration et dans la magistrature. Presque aussitôt après avoir achevé ses études à l’université de Goettingue, sous Eichhorn, Heeren et Sartorius, il entra au service diplomatique, et fut employé successivement à Berlin, à Paris, à Munich et à Londres. Il était ministre résident de Saxe à la cour de Saint-James quand éclatèrent en Allemagne les troubles de 1848. Son rôle personnel commença