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impraticable. L’Allemagne avait adopté, en partie du moins, les idées de la révolution française et celles que la conquête même de Napoléon lui avait apportées ; ces idées étaient précisément contraires aux maximes féodales, qui faisaient le fond de l’ancienne constitution germanique. Il fallait distinguer en quelle mesure le génie allemand s’était altéré ou modifié, le prendre d’abord lui-même pour base, et satisfaire à un premier désir de certaines libertés politiques et civiles en même temps qu’à une entière revendication de l’indépendance nationale. La pensée de rétablir l’empire allemand, détruit en 1806, se présenta tout d’abord : beaucoup de patriotes, comme Stein, Arndt et Görres, le demandaient ; mais les souverains alliés, après avoir rejeté l’idée d’exclure l’Autriche du nombre des états allemands, se trouvèrent arrêtés par les difficultés provenant du dualisme : la jalousie de la Prusse n’eût pas permis que la couronne impériale fût réservée à l’Autriche, et celle-ci, après l’avoir portée jadis, ne l’eût pas abandonnée facilement à sa jeune rivale. La Russie et la Prusse donnèrent une première assurance des dispositions des souverains dans la proclamation de Kalisch (25 mars 1813) : elles y promettaient « la réédification de la constitution allemande, ravivée, rajeunie dans l’unité, sans le secours d’aucune influence étrangère, et en s’inspirant du génie propre à la nation germanique. » Il fut arrêté à Langres et surtout à Chaumont (1er mars 1814) qu’à la forme d’un empire unitaire on substituerait une fédération, et l’article 6 du traité de Paris (30 mai 1814) proclama publiquement que l’Allemagne nouvelle serait composée d’états indépendans unis par un lien fédératif.

Le congrès chargé d’exécuter ce programme difficile se réunit à Vienne le 3 octobre. À peine avait-il commencé ses délibérations qu’il eut à écarter une proposition de. rétablissement de l’empire, issue sans doute de la jalousie des petits souverains contre les grands. Le 16 novembre, un certain nombre de ces princes du troisième ou du quatrième ordre qu’on voulait faire indépendans déclarèrent dans une note au congrès qu’à leur avis la constitution germanique « ne serait affermie qu’avec un chef unique assurant l’exécution des résolutions fédérales, forçant les membres négligens ou récalcitrans à remplir les obligations communes, faisant exécuter pleinement les décrets du tribunal fédéral, dirigeant enfin les forces militaires de la confédération et se présentant à l’extérieur et au dedans comme protecteur de tous ses membres, comme premier représentant de la nation, garant de la constitution et de la liberté germaniques. » Protestation inutile vis-à-vis d’un congrès qui se proposait au contraire d’imaginer un lien fédéral assez lâche pour comprendre à la fois l’indépendance de chaque souveraineté et l’unité nationale !