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Ce mauvais emploi du temps nous paraît plus regrettable cette année que dans les précédentes sessions. N’avons-nous pas à réaliser une réforme financière ? N’avons-nous pas à établir les bases d’un budget ordinaire et d’un budget extraordinaire, lesquels, réunis, vont imposer à la France la charge la plus lourde qu’elle ait encore supportée ? N’avons-nous pas à confronter solennellement nos dépenses avec nos revenus, et à décider s’il faut en effet, comme le gouvernement le propose, qu’au lieu d’opérer sur la dépense des économies radicales, nous recherchions péniblement un surcroît de ressources dans des taxes augmentées et dans des contributions nouvelles ? N’est-il pas regrettable que l’opinion publique tarde si longtemps à être édifiée et fixée sur ces graves questions ? Ce n’est pas le seul inconvénient du long chômage du corps législatif. Il est de très graves affaires politiques courantes sur lesquelles les discussions financières eussent pu jeter un reflet opportun. Nous ne devons pas oublier que le budget de l’année présente a été voté sous le régime antérieur au sénatus-consulte de 1861. Ce budget devra donc être complété par la présentation de crédits supplémentaires et extraordinaires. Les accidens politiques qui ne pouvaient être prévus l’année dernière, les affaires dans lesquelles le gouvernement s’est engagé cette année à l’improviste, grossiront ce budget extraordinaire de 1862. N’y eût-il pas eu un véritable intérêt pour le pays à connaître l’importance de cette catégorie de charges extraordinaires au moment même où se pressent et se poursuivent les résolutions politiques dont ces charges seront la conséquence ? Ces charges proviendront surtout de nos petites expéditions lointaines, Chine, Cochinchine, Mexique, qui aboutissent à un total si considérable de dépenses. Voilà justement que nous entrons dans cette affaire du Mexique : les sacrifices financiers que pourra nous imploser cette entreprise sont certes un des élémens les plus importans de la, délibération à laquelle le gouvernement et l’opinion publique doivent se livrer pour apprécier soit la convenance de l’expédition, soit les limites dans lesquelles elle doit être restreinte. A en juger par les proportions que le gouvernement a données à l’affaire du Mexique, nous pouvons nous atteindre de ce chef à la nécessité d’un lourd crédit extraordinaire ; il est à regretter que ni la chambre ni l’opinion ne soient encore en mesure de pouvoir calculer ce que nous coûtera l’expédition du Mexique. C’est sans doute la perspective de cette dépense qui aura décidé le gouvernement à réaliser une économie sur les dépenses extraordinaires de 1862 en réduisant l’armée, de trente-deux mille hommes, en licenciant deux régimens et en vendant plus de deux mille chevaux. On se souvient que le budget de l’armée de 1862 avait été voté pour un effectif d’environ quatre cent mille hommes, et que cet effectif a été dépassé de plus de trente mille hommes pendant le premier trimestre de cette année. La perspective des frais de l’expédition du Mexique aura probablement décidé le gouvernement à entrer tout de suite dans l’effectif du budget normal. On a donc opéré une réduction de