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mares épuisés ? Les résidus provenant des graines oléagineuses qui auraient pu, au sortir des presses anciennement usitées, servir de nourriture aux bestiaux, ne peuvent plus recevoir cette destination, car la moindre trace de sulfure de carbone serait nuisible, et d’ailleurs les dix ou vingt centièmes d’huile que l’on en a retirés en affaiblissent d’autant la valeur alimentaire. Il en est tout autrement si l’on considère ces résidus au point de vue de l’application comme engrais. En effet, l’huile que l’on a enlevée ne contenait sensiblement ni substance azotée ni matière saline ; presque totalement composée de carbone et d’hydrogène, elle n’eût fourni aux plantes que deux des élémens qui surabondent dans les terres cultivées ; donc, en éliminant cette substance inerte sans rien enlever des matières azotées ou salines, on a réellement augmenté la proportion de ces dernières substances, et le résidu doit constituer un engrais plus riche. Ce fait, conforme à la théorie que nous avons exposée plus haut, a été reconnu exact depuis qu’on a soumis, sur des terres cultivées, les tourteaux huileux et les mêmes résidus épuisés d’huile par le sulfure de carbone à des essais comparatifs. On peut en conclure que, tout en réservant pour l’alimentation et l’engraissement des bestiaux les tourteaux de la graine de lin, les plus propres à cet usage, on pourra extraire avec avantage la substance huileuse des tourteaux de colza et autres destinés à servir d’engrais. Quant aux pulpes des olives, résidus d’une première expression, l’extraction de l’huile par le sulfure de carbone a donné naissance depuis plusieurs années à une industrie considérable en Italie et qui fait fonctionner de très volumineux appareils clos : réservoirs, filtres et chaudières distillatoires, offrant une contenance totale d’environ 40,000 litres, sans y comprendre les bassins réfrigérans et les serpentins. On obtient par ce procédé, chez M. Daninos, à Pise, de 3,000 à 5,000 kilos par jour d’huile naguère abandonnée en pure perte dans les résidus des olives une première fois exprimées. Toutefois un singulier obstacle s’oppose encore à l’extension rapide de l’industrie nouvelle. Aux alentours de Pise, comme dans beaucoup de localités en Italie, les habitans sont grands amateurs de fêtes et de réjouissances publiques. Or il est entré dans les habitudes des populations d’employer les marcs d’olives desséchés comme un combustible léger et de peu de valeur pour faire des feux de joie, et ils sacrifient volontiers pour cet objet le prix que le directeur de l’usine pourrait leur en offrir. De là une difficulté réelle, mais qui disparaîtra sans doute et qui cessera peu à peu d’entraver les approvisionnemens[1].

  1. L’huile obtenue des marcs d’olives à l’aide du sulfure de carbone n’eut pas comestible, mais elle constitue une excellente matière première pour les savonneries et donne un produit qui, sauf une nuance verdâtre, offre tous les caractères et les bonnes qualités du savon d’huile d’olive.