Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/978

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne fera autre chose que rétablir en bas les privilèges supprimés en haut. Vainement alléguerait-on que depuis longtemps le principe a été entamé par le dégrèvement partiel ou total de la population la plus pauvre dans un certain nombre de villes., que, sous la restauration, vingt-cinq villes avaient été autorisées par des ordonnances royales à convertir leur contribution mobilière en octroi jusqu’à concurrence de 5,931,206 francs, que la loi de finances du 21 avril 1832 accorda aux villes ayant un octroi la faculté de faire payer par les caisses municipales tout ou partie du contingent personnel et mobilier et de répartir, — au centime le franc des loyers d’habitation, — la portion à percevoir directement après déduction des faibles loyers, qu’enfin la loi des finances de 1846 confirma ces dispositions en autorisant la répartition non pas seulement au centime le franc, mais d’après un tarif gradué, comme cela se pratiquait déjà pour la ville de Paris. Ce n’est qu’en s’arrêtant aux apparences que l’on trouverait dans ces exemptions partielles une dérogation au principe de la généralité de l’impôt. — La population la moins aisée des villes à octroi supporte, outre les taxes générales qui grèvent les denrées de consommation, le poids de cet octroi, et c’est pour cela qu’on a pu mettre la justice d’accord avec l’humanité en diminuant ou en supprimant dans les villes, pour la population la plus pauvre, la contribution personnelle et mobilière. Soulager de ce fardeau les habitans les moins aisés, ce n’était pas violer des principes salutaires, ni introduire de fâcheux précédens dans le système de l’impôt. Un dégrèvement qui s’applique à 1,200,000 contribuables sur toute l’étendue du territoire prend un autre caractère ; il est permis de le regretter sans faire preuve d’indifférence pour les besoins des classes laborieuses. L’exonération, telle qu’elle est proposée, sera, nous dit-on, de 5 millions, y compris cent mille patentes ; elle ne soulagera donc pas chaque citoyen, chaque chef de famille, d’un demi centime par jour. C’est bien peu au moment où, par les augmentations récentes sur le tabac et l’eau-de-vie, par les augmentations prochaines sur le sel et le sucre, on n’hésite pas à tant ajouter aux taxes indirectes. Le dégrèvement direct est trop faible pour qu’on en obtienne beaucoup de reconnaissance de la part des 1,200,000 individus qu’un trait de plume va faire disparaître du rôle des contributions. C’est ce rôle qui, à vrai dire, confère la qualité de citoyen actif, et qui fait prendre une part, si minime qu’elle soit, mais directe et personnelle, aux charges de l’état.

Arrivé au terme de l’examen que je m’étais proposé, j’espère ne m’être pas écarté de l’esprit dans lequel j’ai voulu m’y livrer. Prendre acte des aveux, rendre justice aux intentions, approuver les