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nous avons fort à craindre que ce ne soit là qu’une espérance. Ce serait un spectacle nouveau en France que de voir diminuer les budgets. Le budget extraordinaire de 1863 comprend 67 millions de recettes accidentelles qui ne se renouvelleront plus, et il semble que cela seul fait prévoir plutôt une augmentation qu’une diminution des taxes destinées à fournir des ressources à ce budget. Parmi les moyens auxquels M. Fould a recours pour équilibrer le budget ordinaire, plusieurs ont un côté regrettable. Je passerai rapidement sur le timbre et sur le droit d’enregistrement. Ces taxes sont irréprochables dans leur principe, et tout dépendra du mode d’application qu’on adoptera pour assurer la perception. L’impôt sur les factures laisse des doutes : n’est-il pas à craindre qu’il ne prenne un caractère inquisitorial, qu’il ne pèse lourdement sur certains genres de commerce, surtout de petit commerce, tandis que d’autres (et les plus importans) y échapperont presque complètement ? Sur tous ces détails, il n’y a guère d’avis à émettre avant que les procédés d’exécution soient connus. L’impôt sur les voitures et les chevaux, malgré les chiffres relativement élevés qu’il atteindra dans quelques grandes villes, sera un impôt peu productif. Pour justifier cet impôt, on s’est appuyé sur l’exemple de l’Angleterre, où il rapporte environ 16 millions de francs à un taux moyen de 30 fr. sur les voitures et de 18 fr. sur les chevaux. Certains impôts qui, plus encore que celui-ci, ont un caractère très tranché d’impôts somptuaires, existent depuis longtemps en Angleterre, car à la taxe des chevaux et des voitures il faut ajouter celle sur les livrées, sur la poudre pour les cheveux et les perruques des domestiques, sur les équipages de chasse, sur les armoiries, etc. ; mais l’Angleterre était et est encore restée à beaucoup d’égards un pays de privilèges, jouissant de plus de liberté que d’égalité, tandis que la France a toujours montré plus de goût pour l’égalité que pour la liberté. En Angleterre, quand ces impôts ont été établis, il n’y avait guère de taxes directes ; l’impôt foncier était, comme aujourd’hui, peu élevé, et l’impôt sur le revenu n’existait pas. On comprend donc qu’un pays placé dans de telles conditions ait cherché à atteindre la richesse par des impôts de cette nature, et on ne peut oublier toutefois qu’ils sont aussi antipathiques à nos mœurs que peu justifiés par notre état social et par notre principe d’égalité complète devant la loi.

La taxe sur les voitures et les chevaux a été mise à l’épreuve en France depuis 1791 jusqu’en 1806. Afin d’atteindre la richesse mobilière après avoir imposé la propriété foncière, on crut devoir joindre à la taxe personnelle et a celle sur les loyers une autre taxe du vingtième sur le revenu présumé établi d’après le loyer, mais réduit du mentant du revenu foncier, dont le contribuable avait