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9,400,000 fr., sans parler du bénéfice des conversions futures. L’économie ne s’applique qu’au moment actuel, qu’à l’intervalle qui nous sépare du jour où s’opérerait une véritable conversion. La charge est pour toujours, l’économie pour quelques mois ou quelques années.

Je ne crois pas qu’on soit fondé à faire valoir les avantages de l’unification de la rente, ni à compter beaucoup sur cette unification pour lui donner une grande élasticité et lui permettre de prendre un nouvel essor. Avant 1848, malgré la menace d’une conversion plus ou moins prochaine à laquelle la chambre des députés se montrait favorable, le 5 pour 100 avait dépassé 123 fr. et le 3 pour 100 85 fr. Il n’y a pas si longtemps de cela qu’on l’ait déjà oublié ; mais il y avait pour l’élévation des cours des raisons qui n’existent plus aujourd’hui. L’une des causes de la dépression actuelle de la rente, c’est la concurrence d’autres valeurs excellentes, surtout des obligations de chemins de fer. Ces obligations, au taux actuel, rapportent un intérêt plus élevé et offrent une sécurité égale, sinon supérieure, puisque à la garantie de l’état elles joignent une hypothèque.

Je me suis soigneusement abstenu de parler de ce qui se passe à la Bourse. C’est le propre de toute grande opération financière que de causer des pertes aux uns et d’être pour les autres une source de profits. Dans une certaine mesure, cela est inévitable. De vives critiques se sont élevées dans le corps législatif contre les efforts qui sont faits par le trésor pour soutenir les cours de la rente, que des ventes nombreuses tendraient à déprimer. M. le président du conseil d’état n’a rien nié. Il s’est contenté d’atténuer et de citer des précédens. Il a soutenu que l’intervention du gouvernement n’avait pour but que de combattre l’agiotage. Il voit l’agiotage dans les ventes effectuées par les porteurs de rentes ; il n’en trouve pas dans les achats opérés. Je veux rester en dehors de ce débat, dont l’opinion publique sera juge ; je ne ferai qu’une seule observation. Si on était obligé de débourser en achats de rentes, soit directement, soit par des intermédiaires, autant ou plus peut-être que ce que produirait le paiement des soultes dues pour les rentes converties, qu’aurait-on gagné ? On aurait immobilisé pour un temps plus ou moins long un capital considérable, car il serait difficile de revendre à court délai les rentes rachetées ; ces rentes figureraient à l’actif de la dette flottante, mais en diminuant les ressources disponibles. Mieux valait peut-être emprunter que de chercher à se procurer des ressources par des moyens si dispendieux et si peu assurés.

Et qu’on ne réponde pas : « Quand on emprunte, vous vous plaignez ; quand on n’emprunte pas, vous vous plaignez encore. » Oui,