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Qu’on applique à la diminution de la dette flottante la totalité des ressources que peut procurer la conversion, il n’en restera pas moins évident qu’avant longtemps, et par le concours de causes multiples, elle aura de nouveau atteint, sinon dépassé, les proportions actuelles. J’aurais jugé inutile de discuter sur la part faite aux anciens gouvernemens dans la charge de la dette flottante, car je sais que les liquidations sont toujours onéreuses lorsqu’elles se font pour le compte d’autrui, et les discussions rétrospectives ne servent de rien quand les preuves sont faites depuis longtemps. Toutefois il est si singulier d’entendre sans cesse répéter que la dette flottante, à la chute de la monarchie parlementaire, atteignait à peu près les proportions actuelles, il est si surprenant de retrouver cette assertion dans des documens officiels, que je crois indispensable de rétablir encore une fois la vérité.

Le compte officiel des finances pour 1847, publié en mai 1848, sous les yeux de l’administration républicaine, fixa dès lors le chiffre de la dette flottante, au 1er janvier 1848, à 630 millions. C’est le chiffre dont la vérité fut démontrée jusqu’à la dernière évidence dans deux écrits publiés en 1848 et en 1849 par M. Vitet et par M. Dumon[1]. Tous deux admettaient que, du 1er janvier au 24 février 1848, les émissions de bons du trésor et les traites fournies par le caissier central avaient pu élever le total de la dette flottante aux environs de sept cents millions, y compris l’arriéré des gouvernemens antérieurs. Ce chiffre est précisément celui que j’appuierai d’une autorité qui ne semblera pas suspecte, c’est celle d’un sénateur, du chef d’un des principaux établissemens de crédit fondés depuis l’empire, d’un homme dont le témoignage ne saurait être récusé en matière de comptabilité. En 1848, M. le marquis d’Audiffret[2] adoptait ce chiffre de sept cents millions, mais voici plus encore que des autorités personnelles, plus que des appréciations faites ou que des comptes publiés sous d’autres gouvernemens. J’ouvre le dernier compte général de l’administration des finances, celui de 1860, et j’y trouve, page 449, le chiffre de la dette flottante au 1er janvier 1848 fixé à 630,793,609 fr. 63 c. Jamais, de 1831 à 1848, la dette flottante n’était montée si haut ; jamais, depuis 1852, elle n’est descendue si bas. Elle est en ce moment de 333 millions plus élevée qu’elle ne le fut jamais sous la monarchie constitutionnelle. Comment donc, se demandera-t-on, s’expliquent de pareilles divergences ? En vérité, je n’en sais rien ; mais je suppose

  1. De l’État des Finances avant le 24 février, par M. Vitet, Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1848. — De l’Équilibre des Budgets sous la monarchie de 1830, par M. Dumon, 15 septembre 1849.
  2. Dans un écrit réimprimé avec la dernière édition de ses œuvres.