Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les archéologues s’accordent pour constater leur origine gauloise : les dénominations celtiques de leurs villages, la forme de leurs armes, identiques à celles que portaient les Gaulois de Brenn pendant l’occupation de Rome, les croissans qui leur servaient d’amulettes, enfin leur habitude d’incinérer les morts.

Les Helvétiens étaient certainement supérieurs aux populations primitives par le côté matériel de la civilisation : les dépôts lacustres des deux premiers âges n’offrent rien de comparable aux milliers d’objets qu’on a découverts à la Tiefenau, près de Berne, dans le sol d’un champ de bataille de l’époque helvétienne. Non-seulement ils possédaient le fer et forgeaient des glaives qui pourraient être encore aujourd’hui considérés comme des œuvres d’art, ils produisaient aussi le verre et l’émail, fabriquaient des ornemens d’une grande richesse, et, si nous en croyons le témoignage des auteurs latins, ils connaissaient l’écriture. Malheureusement ce peuple, si remarquable par son industrie, professait une religion barbare. On voit encore en diverses parties de la Suisse les restes de leurs sacrifices de victimes humaines. Non loin de Lausanne, dans la forêt de Bois-Genou, s’élève un tumulus qui recouvrait quatre vases d’argile remplis de cendres humaines. Une cavité ménagée au-dessus des urnes contenait les charbons et les cendres du bûcher, ainsi que les restes calcinés d’animaux, parmi lesquels on reconnaissait le chien, le bœuf et le cheval. Plus haut s’étendait « un lit inégal de grosses pierres brutes sur lequel gisaient sans ordre quatre squelettes humains dont l’attitude irrégulière montrait que les corps avaient été jetés violemment sur cette rude couche de cailloux. Des bracelets, des débris de chaînettes, des broches et des ornemens divers indiquaient la parure de femmes dont la jeunesse ressortait du peu de développement des dents de sagesse encore cachées dans l’alvéole. Ces malheureuses victimes avaient eu les membres brisés par les cailloux qui les recouvraient et qu’on avait lancés violemment, de telle sorte qu’une partie des ornemens avaient volé en éclats sous le choc. À deux cents pas du tumulus existe encore un autel, sur lequel avait sans doute eu lieu l’immolation des femmes du défunt. » Enfin, à deux kilomètres plus loin, on a retrouvé sous l’ombrage des chênes un autre tumulus de l’époque helvétienne, contenant douze squelettes de jeunes gens brisés à coups de massue.

On sait qu’après un séjour de quelques siècles dans les vallées des Alpes et du Jura, les Helvétiens, toujours inquiets et désireux de changement, quittèrent leur pays de montagnes pour aller s’établir dans les plaines des Gaules. C’est alors qu’ils entrent pour la première fois sur le théâtre de l’histoire proprement dite, grâce à