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bois de cerf. C’était l’arme nationale qui exerçait le plus l’imagination des fabricans et des artistes : chaque guerrier en modifiait la forme selon son goût personnel, et peut-être l’ornait-il de plumes et de franges comme l’Indien peau-rouge. Les autres armes, moins importantes que la hache, étaient les flèches en silex et en os fixées à l’extrémité de longs roseaux ; elles ressemblent à celles qu’on a découvertes en France, en Angleterre, sur les bords du Mississipi, mais elles sont en général moins longues que celles de la Scandinavie. Il est vraisemblable que la fronde était connue. Les pierres brutes servaient aussi de projectiles, ainsi que le prouvent les cailloux aux vives arêtes entassés dans la vase à côté des pilotis. Trop petits pour être employés à la fabrication d’instrumens, ils ne pouvaient avoir d’autre but que de servir à la défense. Non contens de ces armes, les lacustres, déjà très habiles dans l’art de la guerre, avaient imaginé des balles et des boulets incendiaires formés de charbons pétris avec de l’argile. Ces instrumens de destruction, qu’on perçait généralement d’un trou, afin de pouvoir mieux les jeter, ne pouvaient servir qu’à l’attaque : ils étaient rougis au feu, puis lancés sur les toits des cabanes ennemies. Si quelque saillie les retenait, ils brûlaient sourdement sur le chaume desséché, le feu gagnait peu à peu, et bientôt le sommet de la cabane était environné de flammes. C’est ainsi que les Nerviens incendièrent le camp de César. Dès les premiers jours de son histoire, l’homme employait son génie à brûler et à détruire !

Parmi les instrumens de travail fabriqués par les populations lacustres de l’âge de la pierre, on peut citer les lames de silex, tranchantes ou dentelées, qui servaient de couteaux et de scies, les marteaux, les enclumes, les meules à aiguiser, les poinçons en os ou en bois de cerf, les tranchets et les aiguilles qu’on destinait sans doute à coudre et à couper le cuir ou les peaux. Les débris de poteries que l’on retrouve sont formés d’une argile grossière dont la pâte est généralement mélangée de petits grains de quartz. Ces vases, presque tous travaillés à la main, révèlent l’enfance de l’art, et portent très rarement des traces d’ornementation. Quelques-uns, d’une pâte assez fine, ont une surface unie et sont colorés en noir au moyen du graphite. À Wangen, sur les bords du lac de Constance, à Robenhausen, dans le lac de Pfaefïïkon, on a aussi découvert des nattes de chanvre et de lin, et même de véritable toile, ainsi que de petites corbeilles tout à fait semblables à celles des anciens tombeaux égyptiens. En outre les lacustres fabriquaient des cordes et des câbles avec des fibres textiles et l’écorce de différens arbres. Vaniteux comme tous les sauvages, ils avaient grand soin de leur beauté corporelle, et tâchaient de la rehausser par de nombreux