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séjour de nos ancêtres. Plusieurs grottes naturelles et artificielles sont riches en antiquités gauloises. Les couches d’alluvions lentement déposées par les cours d’eau gardent aussi des reliques de l’industrie humaine, et forment comme un immense musée que les fouilles modernes ont à peine effleuré encore. Les eaux des lacs et des fleuves cachent elles-mêmes sous leur nappe bleue ou jaunâtre de véritables trésors archéologiques composés de tous les objets abandonnés par les peuplades riveraines. Déjà quelques recherches accomplies en Irlande avaient donné une idée de tout ce qu’on peut attendre de l’exploration scientifique des lacs, lorsque le hasard mit les savans de la Suisse sur la voie des découvertes les plus importantes. Grâce à eux et surtout à M. Troyon, leur principal interprète, le champ de nos connaissances a été singulièrement agrandi : une civilisation disparue a été retrouvée dans les bassins lacustres des Alpes et du Jura. Ce n’est pas là un simple fait d’intérêt national, c’est le point de repère le mieux établi que possède la science pour l’histoire ancienne de l’Europe occidentale. Bien que les lieux mêmes des découvertes forcent l’auteur des Habitations lacustres à se renfermer presque exclusivement dans les limites actuelles de la Suisse, il reste prouvé néanmoins que l’antique civilisation dont il s’occupe s’étendait au loin sur la Gaule et l’Italie.


I

« Pendant l’hiver de 1853 à 1854, on remarqua dans le niveau du lac de Zurich une baisse extraordinaire : le retrait des eaux mit à sec une large grève, dont les riverains profitèrent pour construire des digues en avant de l’ancien rivage et conquérir ainsi de vastes terrains jadis inondés. Près du hameau d’Obermeilen, les ouvriers occupés aux travaux d’endiguement découvrirent, sous une couche de vase d’un demi-mètre d’épaisseur, des pilotis, des morceaux de charbon, des pierres noircies par le feu, des ossemens et des ustensiles variés, qui témoignaient de l’existence d’un ancien village. Informé de cette importante découverte, M. Ferdinand Keller, de Zurich, s’empressa d’étudier les débris qu’on venait de retrouver, et bientôt après il annonçait au monde scientifique le résultat de ses recherches. Ce fut le point de départ d’explorations incessantes : MM. Uhlmann, Jahn, Schwab, Troyon, Forel, Rey, Desor et plusieurs autres s’occupent depuis cette époque de faire draguer les bas-fonds des lacs de la Suisse ; pour découvrir des vestiges d’habitations antiques y ils sondent les couches alluviales formées sur les rivages lacustres et dans les deltas des rivières, ils visitent aussi