Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/841

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un code ; mais l’esprit anglais n’est point le nôtre : ce que nous demandons incessamment à la loi, là on le demande à la tradition, aux usages. Les grandes cours sont elles-mêmes les dépositaires de ces traditions, de ces usages, et les gardiennes jalouses de l’observation des règles séculaires qui gouvernent l’état. Au-dessus d’elles existe seulement la chambre des lords, sénat omnipotent qui exerce un droit suprême d’appel ou de révision non-seulement dans les causes soumises aux grandes cours d’Angleterre, mais encore dans celles qui ont été jugées par les cours d’Ecosse et d’Irlande.

Ce qui simplifie toutefois l’organisation de ces tribunaux, c’est qu’aucun d’eux, la cour d’équité exceptée, ne peut trancher les questions de fait ni au civil ni au criminel sans le concours du jury. En matière civile, les grandes cours sont compétentes pour les causes dont l’intérêt excède 1,250 francs, en matière criminelle pour toutes les affaires qui sont du ressort des assises. Les affaires d’une moindre importance, au civil et au criminel, sont portées devant les juges de paix du comté, jugeant tantôt seuls., tantôt au nombre de quinze ou vingt, avec ou sans l’assistance des jurés, selon les cas. Mais à quels signes reconnaître la compétence particulière de chacune des grandes Cours ? C’est là que surgiraient d’inextricables difficultés, si par un accord tacite on n’était convenu de considérer toutes les cours comme des fractions ou démembremens d’une même cour primitive, et ayant par conséquent un égal pouvoir pour juger, selon une procédure uniforme, toutes les causes qui sont portées devant elles. Leur compétence embrasse toutes les parties de l’Angleterre, divisée en six circuits, moins toutefois le comté de Lancastre, qui a conservé sa juridiction spéciale. Il existe également à Londres une cour centrale criminelle qui a reçu une organisation particulière, à raison du nombre de méfaits qui sont à réprimer dans le comté de Middlesex, dont l’immense cité fait partie. La rigueur des statuts exigerait que les jurés fussent appelés à Westminster pour y remplir leur mission ; mais la règle a dû fléchir devant la nécessité, et voici le moyen qu’on a imaginé pour conserver à la loi son imperturbable autorité sans cependant en observer les termes. Lorsque la distribution des affaires d’une session a été faite, la grande cour appelée à juger rend un arrêt par lequel sont en réalité convoqués à Westminster les jurés du comté d’où vient l’affaire ; par un autre arrêt, elle fixe le jour où s’ouvriront devant elle les débats, si auparavant, nisi prius (c’est la formule sacramentelle), l’un des grands-juges ne s’est pas présenté dans le comté pour y tenir les assises. Or ce grand-juge a toujours soin d’arriver avant le jour fixé, de telle sorte qu’en définitive les affaires sont jugées dans chaque comté sous la présidence des membres des grandes cours, délégués à peu près comme nos présidens