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put pas vivre. En peu de temps, il avait mis contre lui l’armée, le clergé, les propriétaires, la classe élevée de la société. À son tour, il se trouvait assailli par les soulèvemens qui éclataient de tous côtés, et un jour il disparut au milieu d’affreuses scènes de guerre civile à Mexico. M. Comonfort eut à peine le temps de s’échapper. Ce qu’il y a de curieux, c’est que ce triste président avait pris lui-même l’initiative du mouvement dont il était la victime, en faisant un pronunciamiento qui le proclamait dictateur. Sa dictature périt dans l’échauffourée, et à la place surgit un nouveau pouvoir plus conservateur adoptant un plan Ait de Tacubaya, formulé par le général Zuloaga au nom de l’armée, — car dans toutes les révolutions au Mexique il y a toujours quelque plan particulier, le plan d’Ayutla, le plan de Tacubaya, et bien d’autres. Celui de Tacubaya triomphait un instant. Par malheur le vice-président de la république, M. Benito Juarez, s’était sauvé dans le trouble ; il parvenait à rassembler quelques partisans, il s’enfermait à la Vera-Cruz, et, prenant pour drapeau la constitution de 1857, il élevait pouvoir contre pouvoir. Ce fut l’origine des événemens qui se sont succédé pendant deux ans, et qui ont conduit à l’intervention actuelle de l’Europe.

À dater de ce moment, la guerre civile se déchaînait avec une fureur nouvelle dans toute la république, qui se trouvait scindée en deux partis. Il y avait deux pouvoirs ennemis, l’un à Mexico, l’autre à la Vera-Cruz. Celui de Mexico, représenté d’abord par un homme d’une désespérante médiocrité, le général Félix Zuloaga, eut bientôt pour chef véritable un jeune officier martial et énergique, le général Miguel Miramon, qui, sur ce fond de monotone anarchie, est encore une des dernières figures où passe un éclair d’originalité. Miramon avait à peine vingt-six ans lorsque la fortune venait le mettre au premier rang, et ce qu’on ne sait guère, c’est que le dernier président conservateur du Mexique est d’origine française. Sa famille était de la noblesse du Béarn, et émigra en Espagne au dernier siècle. Son grand-père était passé au Mexique comme aide-de-camp d’un des vice-rois, et restait fixé dans le pays après l’indépendance.

Le jeune Miguel Miramon s’était formé d’abord dans une école militaire, puis en guerroyant contre les États-Unis. Bientôt les événemens de 1857 montraient en lui un homme vigoureux, hardi et habile, qui contribuait par ses succès à raffermissement du pouvoir de Mexico. Il se trouvait sans s’en douter le successeur du général Zuloaga, et par une de ces combinaisons qui ne se rencontrent qu’au Mexique, il n’avait que le titre de président substitut, tandis que Zuloaga restait un président intérimaire en disponibilité. Dénué d’expérience politique, Miramon avait du moins le feu, l’énergie, la bonne volonté de réussir. Il imposait à tout le monde par une sorte d’autorité naturelle, et de vieux généraux étaient surpris eux-mêmes de subir l’ascendant de ce jeune homme, de ce muchacho, comme on l’appelait. Sans être un gouvernement régulier, le pouvoir dont Miramon était le chef restait, après tout, maître de la capitale, et seul il était reconnu