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Les vœux que nous formons pour M. Thouvenel seraient en train de se réaliser, si nous en jugeons par l’intéressante publication du ministère des affaires étrangères, beaucoup moins volumineuse que celle de l’année dernière. Naturellement, dans ce recueil, ce sont surtout les dépêches relatives au Mexique qui attirent l’attention. Quelque opinion que l’on ait touchant l’utilité de ces expéditions lointaines où nous engageons des corps de troupes, ce n’est pas sans satisfaction que l’on s’assure, en lisant les dépêches de M. de Saligny, de la justice des griefs de la France contre le gouvernement mexicain. Il ne s’agit pas la seulement de spoliations à réprimer, il faut venger le sang français répandu et protéger nos compatriotes dans un pays où l’état n’a plus la puissance ou la volonté de remplir son rôle de protecteur national. On feuillette aussi avec intérêt dans le volume des affaires étrangères la correspondance relative aux affaires du Levant, et en songeant au délabrement de la Turquie, l’on aime à espérer que l’intelligence de Fuad-Pacha, devenu grand-vizir, pourra ramener quelques élémens d’ordre dans l’administration turque, et surtout imaginer quelque expédient pour raviver les finances ottomanes ; mais c’est aux affaires d’Italie que l’on a hâte d’arriver. La curiosité est amplement satisfaite par la remarquable dépêche de M. Thouvenel du 11 janvier, par la réponse de M. de Lavalette et le petit billet du cardinal Antonelli.

L’initiative prise le 11 janvier par M. Thouvenel est un acte important, et qui semble devoir marquer une phase nouvelle dans la question romaine. La France, cette dépêche le prouve, ne veut point considérer comme des faits permanens et la situation du pape vis-à-vis de l’Italie et son établissement militaire à Rome. La dépêche de M. Thouvenel est une ouverture qui doit tôt ou tard, suivant le tour des circonstances, conduire à une mise en demeure définitive. En respectant les scrupules du saint-siège sur l’interprétation de ses devoirs et de ses droits politiques, la France lui demande une transaction de fait avec le nouveau gouvernement de l’Italie, ou du moins lui annonce suffisamment qu’à son jour et à son heure elle pourra faire de cette transaction la condition du maintien de sa protection militaire à Rome. Les déclarations du cardinal Antonelli mentionnées par M. de Lavalette, et renforcées par le laconique billet du secrétaire d’état, coupent court à cette tentative de négociation, et nous semblent déblayer le terrain pour notre liberté d’action, future. Nous avons peine à comprendre la fin de non-recevoir absolue opposée par le ministre du pape à l’insinuation Interrogative de la France. Ce refus éternel prononcé au nom du pape, au nom du sacré collège, au nom du futur conclave et du futur pontife, ce lien indissoluble enchaînant par la religion du serment l’apostolat chrétien à la glèbe de la souveraineté temporelle, ne nous paraissent pas plus conformes à la vérité politique qu’aux vrais intérêts du catholicisme. Tourner un serment imposé aux papes comme un frein aux tentations du despotisme en une cause de divorce perpétuel entre la papauté et l’Italie est