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À nos yeux donc, la distribution adoptée par M. Fould pour ses budgets a surtout la valeur d’une formule. La formule nous paraît bonne parce qu’elle exige l’équation de la dépense et de la recette annuelles, parce qu’elle permet au pays de tenir la balance entre l’utilité et la nécessité des dépenses d’une part, et de l’autre la nécessité ou l’opportunité des sacrifices qui lui sont demandés, parce qu’elle ouvre ainsi le champ à des controverses fécondes qui ne peuvent manquer de rendre au pays le goût de veiller de près aux affaires publiques. Suivant nous encore, pour être en état d’apprécier les convenances et la nécessité des taxes proposées par M. Fould, il faudrait être en possession de son double budget des dépenses. Nous suspendons notre jugement sur la valeur des remaniemens d’impôts jusqu’à ce que cet élément de la question nous soit connu.

Mais il est une mesure plus hardie qui se relie à la situation financière générale, et que le gouvernement soumet au vote législatif avec un caractère d’urgence. Nous voulons parler de la conversion facultative du 4 1/2, du 4 et des obligations trentenaires en 3 pour 100. Nous nous expliquons aisément les raisons qui ont dû conduire M. Fould au dessein de travailler à l’unification de la dette. La principale difficulté pratique avec laquelle le nouveau ministre était aux prises en arrivant au pouvoir n’était point la conception d’un système financier qui mit un terme aux déficit budgétaires. En renonçant à la faculté d’ouvrir des crédits par décrets, le chef de l’état avait d’avance donné toute facilité pour l’établissement d’un tel système, auquel l’approbation du public ne pouvait manquer. La préparation du budget de 1863 était une tâche délicate sans doute, mais dans laquelle le ministre était singulièrement aidé par la résignation du gouvernement à demander au pays de nouveaux impôts et à soumettre ses dépenses à un plus sévère contrôle. La vraie difficulté pratique était dans cette situation financière qui s’accuse par un déficit de 963 millions ; elle était aussi, et par contre-coup, dans la situation du marché financier affectée matériellement et moralement par l’existence d’un tel découvert. Que faire à l’égard du déficit ? Un emprunt ? Mais c’était, nous l’admettons, tourner dans un cercle vicieux. Emprunter, c’était augmenter les charges permanentes de l’état. Il n’était guère permis de compter pour la négociation de nouvelles rentes sur des conditions avantageuses. Emprunter n’était pas la bonne voie pour tirer le crédit public de l’état languissant où il est depuis plusieurs années, et qui exerce sur l’ensemble des affaires une influence fâcheuse. Une circonstance d’ailleurs pouvait faire redouter une nouvelle et prochaine dépréciation du crédit public. On touchait au terme où l’état reprenait à l’égard de la rente 4 1/2 le droit, qu’il avait aliéné pour dix ans lors de la conversion de 1852, de réduire l’intérêt, de ce fonds ou de le rembourser. Indépendamment de toutes les autres circonstances qui agissaient défavorablement sur le marché monétaire, cette menace immédiate de réduction toujours suspendue sur le 4 1/2 en rendait au-delà du pair