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rissée d’obstacles, surtout pour ceux qui n’ont point reculé devant une mission réparatrice et réformatrice. Nous croirions être injustes, si nous faisions remonter à M. Fould la responsabilité de l’établissement des nouveaux impôts ; nous le louerions plutôt d’avoir fait courageusement sentir au pays dans toute sa sévérité la réalité de la situation financière. Nous reconnaissons que, depuis son arrivée au pouvoir, M. Fould a eu trop peu de temps pour préparer des combinaisons plus vastes en matière d’impôt ; nous savons enfin qu’un ministre des finances, même contrôleur des dépenses de ses collègues, n’est pas cependant, à moins d’être premier ministre dans toute la force du mot, entièrement responsable des dépenses des autres départemens ministériels. Peut-être était-il même plus prudent, pour acclimater le nouveau système financier, de ne point se heurter à trop d’obstacles à la fois, et de se contenter de bien établir un point de départ accepté de tous. Nous ne chicanerons donc pas M. Fould sur ses divers remaniemens de taxes. Il a, suivant nous, rendu déjà un service suffisant à la cause de la libre discussion politique et du bon ordre financier en posant fortement devant le pays le dilemme des dépenses et des impôts. À combien de débats approfondis et désormais sérieux, puisqu’ils seront suivis d’effets pratiques, doit donner lieu le budget des recettes ! Avec quelle attention scrupuleuse il faudra maintenant passer au crible le budget des dépenses ! Et ici nous ne distinguons point le budget ordinaire du budget extraordinaire. Le ministre a déclaré que les dépenses qui ont un caractère obligatoire devaient seules être portées au budget ordinaire. Lorsqu’il aura présenté ce budget, c’est justement le caractère obligatoire des dépenses qui devront y figurer qu’il s’agira de vérifier. La distinction de l’ordinaire et de l’extraordinaire ne change rien en effet à la solidarité de la masse des impôts. Si une dépense ordinaire n’est point nécessaire, si dans l’armée, par exemple, ou dans la marine, il était trop accordé au luxe ou aux expérimentations coûteuses, s’il était démontré qu’un état de paix ne comporte point le maintien de cadres qui dépasseraient la proportion des effectifs, si ailleurs il existait, notamment pour les traitemens élevés, des dotations excessives, et qui par le cumul atteignent à des sommes qui ne sont guère en rapport avec l’esprit d’une démocratie telle que la nôtre, serait-il logique et naturel d’attribuer à de telles dépenses le caractère obligatoire ? Croit-on que les contribuables, frappés de taxes pour le service officiel du budget extraordinaire, ne sentiraient point qu’ils pourraient trouver un dégrèvement très réel et très équitable dans la réduction de ces dépenses classées artificiellement comme obligatoires dans le budget ordinaire ? Cette conséquence est inévitable, et mérite que des représentans du pays se dévouent à la dégager du débat financier. Quand l’impôt va chercher le sou du pauvre, sous le prétexte impérieux des nécessités publiques, c’est une question de conscience de réaliser les économies partout où elles paraissent justes et possibles.