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grande, très bien faite, brune, à la peau veloutée, aux grands yeux, aux grands cils et aux beaux sourcils noirs, le nez droit, les lèvres un peu prononcées et ombrées d’un léger duvet, une masse de cheveux noirs ondulés ; l’autre petite, grasse, avec une auréole de cheveux blonds autour d’un visage ovale et rose, le nez finement relevé, la bouche petite, les yeux bleus avec un regard d’une grande chasteté. Elles se faisaient ressortir l’une l’autre, et je crois bien qu’elles le savaient, car elles ne se quittaient pas.

Nous allons aux Caldeiras, sources thermales. Nous y voyons deux fontaines, l’une d’eau froide et ferrugineuse, l’autre d’eau chaude et sulfureuse, qui se touchent presque, puis une source d’eau de Seltz ; enfin le Trou d’Enfer, d’où, avec un bruit semblable à celui d’un gros soufflet de forge, une vase bleue brûlante est lancée à cinq mètres comme par un énorme piston. Le sol mouvant et brûlant se fendille en mille endroits et laisse échapper une vapeur de soufre qui se cristallise au contact de l’air. Un gros jet d’eau bouillante, de deux mètres de haut, sort de terre dans un tourbillon de vapeur, forme de petits ruisseaux qui serpentent au fond de la vallée, et qui sont encore tièdes à leur arrivée dans la mer. Toute cette partie de l’île n’est qu’une fournaise. Au milieu des bruyères, une colonne de fumée que l’on prendrait de loin pour un brûlis monte droit vers le ciel, et une autre source d’eau bouillante fume dans la mer à cinq cents mètres du rivage.

Le gouverneur de l’île, dom José de Madeira, nous offfre, au retour de notre excursion, une collation de fruits du pays, ananas, bananes, oranges délicieuses arrosées de vino Passado, Angelica, Pico, vins du cru qui ont beaucoup de rapport avec ceux d’Espagne. À trois heures, chacun prend une monture toute fraîche, et par un nouveau sentier non moins pittoresque et non moins exposé aux ardeurs du soleil que celui déjà parcouru, nous arrivons au village de Ribeira, où nous trouvons toute la population sur la grève, les enfans, filles et garçons, dans la mer, la chemise relevée sous les aisselles, le ventre au soleil, nous admirant d’avance dans la personne de nos canots et de nos marins. De braves pêcheurs ont tendu leurs mouchoirs et leurs cravates pour pavoiser leurs maisons, et les femmes jettent des fleurs d’hortensia bleu sur le passage de la princesse. Un requin folâtre autour du yacht. Nous partons et nous nous dirigeons sur Fayal. Ce soir au large, très beau temps.

12 juillet. — Grâces soient rendues au commandant Dubuisson, qui est venu me faire lever à quatre heures du matin. Ce que j’ai vu en valait la peine. À vingt-cinq kilomètres devant nous se dressait dans la transparence du ciel l’immense pic bleu des Açores éclairé par le soleil levant. Ce volcan, surmonté d’un petit cône au milieu