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pendant un certain nombre d’années : ainsi font les particuliers lorsqu’ils afferment leurs terres, ainsi fait l’état lui-même avec les canaux et les chemins de fer. On oublie qu’un fermage de cette nature ne saurait être assimilé à celui d’une propriété rurale. Les forêts, emportant avec elles un capital considérable, toujours réalisable, composé des arbres dont elles sont formées, ne pourraient être laissées à la libre disposition d’un fermier sans être exposées à la ruine. Il faudrait, dans ce cas, que l’état put veiller à ce que le rendement normal ne fût pas dépassé, qu’il exerçât un contrôle minutieux qui équivaudrait presque à une gestion directe et serait en outre une cause permanente de conflits. Sous la restauration, on a plusieurs fois et sans succès proposé d’appliquer ce système de fermage aux forêts de la France ; une telle proposition ne pouvait émaner que de personnes étrangères aux premières notions d’économie forestière, ou de spéculateurs qui espéraient s’enrichir aux dépens de la fortune publique. Par la vente annuelle de ses coupes sur pied, l’état, laissant les adjudicataires libres d’en tirer le parti qu’ils jugent convenable, réunit tous les avantages du fermage à ceux d’une gestion directe de sa propriété.

Dans les forêts particulières, l’intervention administrative, qui s’étendait autrefois jusque sur le système d’exploitation, est limitée aujourd’hui à l’examen des conditions relatives au défrichement. On sait qu’une loi interdit de détruire les forêts qui contribuent par leur présence à maintenir les terres sur les pentes des montagnes, à défendre le sol contre les érosions des fleuves, à conserver les sources, à protéger les côtes contre les envahissemens des sables. En principe, cette loi reconnaît que la liberté est de droit commun, mais elle oblige néanmoins le propriétaire qui veut défricher son bois à en faire la déclaration quatre mois à l’avance, afin que l’administration forestière puisse vérifier si ce bois ne se trouve pas dans une des conditions qui en exigent la conservation. Cette question du défrichement des bois particuliers est une de celles que nos assemblées législatives ont eu le plus de peine à résoudre, et qui sont restées le plus longtemps à l’ordre du jour, posant se prononcer entre l’interdiction et la liberté, elles n’ont rien trouvé de mieux que de perpétuer jusqu’à ces derniers temps les dispositions transitoires du codé forestier, qui laissait en définitive l’administration forestière maîtresse absolue des autorisations à accorder ou à refuser. En 1848 même, on imagina de faire de ces autorisations une matière à impôt et de les accorder à tous les propriétaires qui paieraient une certaine somme calculée sur la plus-value du terrain après le défrichement ; c’était une mesuré que rien ne pouvait justifier, parce que si l’intérêt général exigeait la conservation d’un