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Cette ordonnance, qui ne coûta pas moins de dix années d’efforts, formait un corps de lois claires et précises pour tout ce qui concernait la gestion, la surveillance et l’exploitation des forêts ; elle embrassait également dans ses dispositions la police des cours d’eau, et donnait aux officiers forestiers l’autorité et le pouvoir nécessaires pour faciliter l’exercice du flottage et de la navigation, et pour réglementer la pêche de manière à empêcher le dépeuplement des rivières. Nous avons apprécié déjà l’influence qu’elle exerça sur la sylviculture proprement dite[1] ; nous n’en parlerons donc ici que pour exposer l’organisation administrative qu’elle établit, et qui subsista jusqu’à la révolution.

La France fut partagée en dix-huit arrondissemens forestiers ou grandes-maîtrises, qui se subdivisaient elles-mêmes en cent trente-quatre maîtrises. Chacune de celles-ci était composée d’un maître particulier, d’un lieutenant, d’un garde-marteau, d’un garde-général, de deux arpenteurs et d’un nombre indéterminé de simples gardes. La maîtrise comprenait en outre un procureur du roi, un greffier, un receveur des amendes, un collecteur et un certain nombre d’huissiers. On voit par cette composition que l’administration forestière, tout en étant chargée de la surveillance et de la conservation des forêts, était en outre organisée en corps judiciaire. Ses tribunaux jugeaient non-seulement les affaires administratives, mais les questions de propriété, et ils prononçaient contre les délinquant les peines édictées par l’ordonnance. Ces attributions judiciaires amenèrent fréquemment des conflits avec les parlemens, les intendans de province, les maires et échevins, et surtout avec les juridictions seigneuriales, car les seigneurs, eux aussi, avaient leurs tribunaux particuliers. Cette organisation se maintint jusqu’en 1790, où la connaissance des délits et des affaires civiles fut donnée aux tribunaux ordinaires, et celle dès questions administratives à des corps spéciaux. Toutefois l’administration forestière a conservé, même avec la législation actuelle, une partie de ses anciennes prérogatives en ce qui concerne la poursuite des délits.

Les années qui suivirent la révolution furent, pour l’administration des forêts comme pour toutes les autres, une époque de crise et de transformation. Une loi provisoire fut promulguée en 1791 pour mettre la législation forestière en harmonie avec les institutions nouvelles ; mais, dépourvus d’autorité, les agens ne pouvaient se faire obéir, les lois étaient méconnues, et un grand nombre de forêts furent mises au pillage. Les maîtres des eaux et forêts étaient cependant restés en fonctions ; mais les forêts particulières furent

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1860.