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de voyage. Cette même ordonnance contient des dispositions relatives aux ventes de bois, et affecte les produits, de la chasse et de la pêche dans les forêts et rivières du domaine à l’entretien de la table du roi, de la reine et des princes. Vingt ans après, les maîtres des eaux et forêts furent placés sous la surveillance d’un grand-maître et général réformateur, qui exerçait son contrôle sur toutes les forêts royales par l’intermédiaire de maîtres enquêteursC’est à cette époque que remonte l’établissement de la table de marbre au palais de Paris. C’était un tribunal spécial, auquel ressortissaient toutes les affaires administratives et judiciaires relatives aux forêts royales. Il était composé dans l’origine d’un lieutenant-général du grand-maître, d’un lieutenant particulier, d’un avocat, d’un procureur du roi et d’un greffier ; plus tard, en 1543, on leur adjoignit six conseillers.

Diverses ordonnances furent successivement rendues en matière d’eaux et forêts par Charles V, Charles VI, François. Ier, Charles IX, ayant toutes pour but de régler les exploitations, de supprimer les abus, de punir les délits, d’établir en un mot les principes d’une bonne gestion. Charles IX alla même beaucoup plus loin que ses prédécesseurs, en soumettant à la législation, forestière non-seulement les forêts domaniales, mais toutes celles du royaume sans exception, quels qu’en fussent les propriétaires ; il fixa à dix ans la limite inférieure de l’âge des arbres à exploiter dans les forêts particulières et ordonna que le tiers des bois de l’état des communes fût traité en futaie.

Jusqu’à Henri II, les offices des eaux et forêts étaient à la nomination du roi et du grand-maître. Ce prince, pour se procurer de l’argent, les convertit en offices, vénaux, et en augmenta considérablement le nombre. Il créa notamment six nouveaux grands-maîtres, et institua auprès de chacun des parlemens de Toulouse, Bordeaux, Dijon et Rouen, de la Provence, du Dauphiné et de la Bretagne, un tribunal forestier analogue à celui de la table de marbre au palais de Paris, Henri IV fit de vains efforts pour arrêter les abus que cette organisation avait provoqués ; il ne put y parvenir faute d’argent pour rembourser le prix des charges. Il ordonna néanmoins un recensement complet des forêts royales, afin qu’on pût leur appliquer le traitement le plus convenable eu égard aux essences dont elles étaient composées et à la nature du sol sur lequel elles reposaient ; mais les difficultés politiques empêchèrent l’exécution de cette utile mesure. La gloire en fut réservée à Louis XIV, ou plutôt à Colbert, qui fit rendre la fameuse ordonnance de 1609, à laquelle nous devons la conservation des forêts qui nous restent, et qui est devenue la base de notre code forestier.