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conseillers comme bon lui semble. — Dering, autre royaliste, reconnaît l’importance et l’opportunité de la déclaration parlementaire. Non-seulement les trois royaumes, mais la chrétienté tout entière, viendront y scruter l’état des choses. « Mais, par cela même, pourquoi rabaisser la majesté d’un document pareil en l’adressant au peuple ? Le peuple sera bien surpris d’une telle courtoisie. Attend-il, désire-t-il cette déclaration ? Nullement. Il ne lui faut que de bonnes lois. C’est au roi, au roi seul, que la remontrance doit être adressée. »

Ici se trahissait une des grandes préoccupations du parti royaliste. Avant toute chose, l’impression, la publication du manifeste parlementaire l’inquiétait et l’alarmait. Les chefs de l’opposition n’avaient pas annoncé dès le débat que cette publication entrait dans leurs vues. C’eût été courir au-devant des difficultés, des objections de toute sorte ; mais, dans la chaleur du débat, quelques-uns d’entre eux avaient laissé percer ce projet, qui avait consterné la minorité. Avant tout, elle eût voulu éviter cet éclat, dont elle pressentait l’immense danger pour elle.

Pym répondit à tous ses antagonistes par une seule harangue, où il combattit tous leurs argumens. Il trouvait bon d’ailleurs, si on y tenait, que la remontrance fût effectivement placée sous les yeux du prince. « Pourvu que le peuple la connaisse et la lise, qu’importe, disait-il, la suscription d’un pareil document ? L’essentiel est que l’Angleterre n’ignore point la situation exacte des choses, qu’elle puisse juger les calomniateurs des communes, et soit de cœur avec ceux qui les défendent. »

Cette séance était la dernière de cette longue et acharnée discussion. Sept autres, on l’a vu, l’avaient précédée. Votée article par article, Il s’agissait de savoir, le 22 novembre, si la remontrance serait acceptée ou rejetée en bloc. Le doute à cet égard ne semblait pas permis. « A quoi bon, disait Cromwell à Falkland (samedi 20 novembre), à quoi bon insister pour l’ajournement à lundi ? Nous aurions pu voter ce soir. — Nous n’aurions pas eu le temps, répondit le nouveau royaliste… On discutera sans doute encore. — Tant pis ! » remarqua le futur protecteur, alors député bien obscur.

On vient de voir si la prédiction de Falkland s’était réalisée. Les communes (qui, dans ce temps-là, prenaient séance entre huit et dix heures du matin) étaient encore assemblées à neuf heures du soir, fait presque inouï dans les fastes parlementaires de l’époque. L’antique chapelle Saint-Étienne, que bon nombre de nos contemporains ont pu voir encore[1], était alors dépouillée, depuis la réforme,

  1. L’incendie qui l’a détruite est de 1834.