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passaient dans le camp du roi. Waller le poète y portait son esprit subtil et orné, Clarendon sa merveilleuse aptitude aux affaires d’état, Holborne sa science des choses juridiques, Colepeper, Strangways, Palmèr, leurs talens divers et leur zèle plus ou moins pur.

Pour ne pas désespérer, il fallait du courage. Pour ne pas périr, il fallut déployer le plus grand tact politique. Pym soutint, à force d’énergie et de talent, cette lutte inégale ; mais il s’y usa et mourut en deux ans, épuisé par cette tâche écrasante. S’il n’était pas mort, l’ambition de Cromwell aurait peut-être péri dans son germe.


III

Le lundi 9 août 1641, le roi partit pour Edimbourg. Le samedi 7, à travers nulle autres débats, on avait mis en avant un projet de remontrance, dont l’idée première remontait à plusieurs mois (novembre 1640, tout au début du long parlement). C’était une conception de l’aventureux Digby, alors des premiers parmi les adversaires de la prérogative, mais qui, dans l’intervalle et pendant les débats du procès de Strafford, avait ouvertement déserté la cause parlementaire. Ajournée en faveur de soins plus pressans, mal recommandée par le nom même de Digby, comment cette idée venait elle à renaître ? C’est que le danger, chaque jour plus évident, commandait impérieusement des combinaisons défensives. Et de ces combinaisons la plus directe, la plus logique, la plus sûre, était un appel au peuple. La grande remontrance ne fut pas autre chose.

L’intrigant évêque de Lincoln (Williams), qui soudoyait des espions parmi les domestiques de Pym, avait eu vent de cette résurrection, projetée depuis quelques semaines, et il en avait prévenu son maître. Celui-ci, fort effarouché, crut parer le coup au moyen de cette combinaison ministérielle dont nous pariions tout à l’heure. Elle avait échoué, grâce à la sagacité de Pym. Le voyage d’Ecosse s’était décidé malgré les communes. Les hostilités plus ou moins masquées suivaient leur cours ; la remontrance ne pouvait être abandonnée. Pym cependant, tout en préparant cette machine de guerre, se gardait bien d’en précipiter l’emploi. Mieux que personne il savait prévoir, se ménager des ressources, ne les point prodiguer inutilement. On ne voit pas qu’il ait hâté la rédaction de la remontrance pendant les quelques semaines qui s’écoulèrent entre le départ du roi et le recess, ou prorogation volontaire du parlement, à savoir du 9 août au 9 septembre. Tout au plus en discuta-t-on quelques clauses, un peu à bâtons rompus, dans le sein du comité nommé pour la rédiger ; mais on se sépara sans l’avoir à beaucoup près complétée.