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quelque temps sa conversion et s’être ainsi ménagé les honteux avantages d’une trahison habile, après avoir accepté le double rôle d’espion des parlementaires et de conseiller secret du monarque, il devint tout à coup royaliste zélé. Le même homme qui avait condamné Strafford conseilla, — on a lieu de le croire, quoiqu’il s’en défende, — l’arrestation de Pym et de ses collègues, et il ne tint pas à lui que nous n’ayons aujourd’hui à le déclarer coupable de deux de ces attentats que la foi la plus sincère légitime à peine, commis à six mois de distance l’un de l’autre et en vertu de principes absolument inconciliables.

Un pareil caractère n’est point une garantie de véracité ; celle de Clarendon est aujourd’hui victorieusement attaquée, à l’aide d’irrécusables documens dont il pouvait à peine soupçonner l’existence, et dont il avait tout lieu de ne point craindre la publication, puisqu’ils ne sont pas publiés même aujourd’hui, c’est-à-dire après deux cents ans[1]. On esprit libre de préjugés, qui s’est fait, par plusieurs travaux importans sur la même époque, une érudition spéciale et supérieure, un écrivain qui sait donner du charme et du relief à des investigations assez arides par elles-mêmes, s’est chargé de démontrer méthodiquement à quelles étranges erreurs se sont exposés ceux qui avaient sans contrôle accepté les données historiques de ce dangereux séducteur. Il l’a poursuivi de discussions, de rectifications incessantes, et quiconque puiserait désormais à cette source suspecte sans tenir compte des travaux que nous signalons[2] attesterait par là même son dédain de toute exactitude et son peu de zèle pour la vérité.

Sans pouvoir ni vouloir entrer dans le détail de la discussion ainsi soulevée, nous tenterons cependant de rectifier sur les points les plus essentiels, et d’après les données de la critique contemporaine, les récits de Clarendon, notamment en ce qui touche la grande remontrance de 1641 ; mais, pour mettre en complète lumière cette catastrophe décisive, qui contenait en germe la guerre civile, nous aurons à jeter un rapide coup d’œil sur les débuts d’un règne tragique, trop souvent exploité dans l’intérêt d’une cause et de principes dont il est la plus saisissante condamnation.

  1. Nous voulons parler des manuscrits ai précieux laissés par sir Symonds d’Ewes, un des principaux membres du long parlement.
  2. The Debates of the great Remonstrance, november and december 1641, with an introductory essay. 1 vol. Londres, Murray, 1860. — Arrest of the five Members by Charles the First. À Chapter of English History rewritten. — M. Forster avait déjà écrit pour l’Encyclopédie du docteur Lardner les Lifes of the Statesmen of the Common-wealth, en sept volumes.