Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelques-uns, enhardis par l’occupation française, se sont permis récemment le turban blanc. Les femmes sont grasses, leurs formes se dessinent vigoureusement sous leurs jupes de velours ou de satin, étroites et fortement adhérentes à la taille. La gorge se développe avec la même ostentation sous l’espèce de cuirasse d’or qui orne le haut de l’ouverture de la robe de dessus. Ce corsage est une broderie épaisse de deux doigts, analogue à celles qui garnissent la chasuble de nos prêtres. Les bras sont à nu sous une longue manche de gaze relevée à l’épaule.

La musique commence : la première demoiselle ou plutôt la première dame d’honneur, car c’est une femme mariée, si j’en crois son costume, prend deux foulards de satin rouge à longues raies d’or, et tantôt les agite lentement à la hauteur de son front en les faisant passer alternativement l’un au-dessus de l’autre, tantôt s’en sert pour cacher sa figure. Ses yeux restent constamment baissés. Elle tourne mollement deux ou trois fois sur elle-même, marquant le pas par un piétinement sans secousses apparentes. Cela dure cinq minutes et cesse tout d’un coup. La musique s’interrompt avec la danseuse. Elle remet ses deux foulards à une autre dame qui se fait beaucoup prier, et se décide enfin à répéter la même danse que nous venons de voir. La dame d’honneur qui lui a gardé sa chaise, car on ne s’assied pas ici par terre à la manière des Mauresques, la lui rend, reprend les foulards et les porte à une troisième, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes aient dansé.

Quelques vieilles Juives édentées poussèrent le you you des Arabes en l’honneur de certaines danseuses émérites au second tour qu’elles faisaient sur elles-mêmes, mais jamais à la fin du solo. Aucun homme ne dansa, non plus qu’aucune des demoiselles, bien reconnaissables à leur coiffure conique penchée sur une oreille et retenue par une mentonnière. Ces bonnets pointus sont en étoffe d’or ou en velours galonné, souvent tout en sequins cousus. Les dames portaient le mouchoir de soie noire serré sur le front et placé un peu de côté à la manière des Mauresques.

Après la danse et une nouvelle distribution de choses sucrées, les dames d’honneur firent apporter une table et procédèrent à l’exhibition des cadeaux de noce : d’abord un tapis bariolé, puis une robe de dessus en soie puce garnie d’or, seconde robe en velours vert garnie d’or, troisième robe cramoisie à fleurs d’or, garnie et brodée d’or ; il y en avait six toujours plus éclatantes et plus riches l’une que l’autre. On montre ensuite six corsages d’or, d’argent et de satin assortis aux robes, puis les petits corsets toujours or et argent, puis les mouchoirs brochés d’or, puis les châles de crêpe de Chine de toutes couleurs, toujours par six ; enfin les larges rubans rouges